martedì 13 novembre 2007
martedì 23 ottobre 2007
les mutilations genitales féminines
Toute société est dotée de normes, de comportements socialement acceptés, fondées sur l’âge, le sexe, l’appartenance sociale, la culture et la religion. Ces normes et ces pratiques traditionnelles régissent par exemple l’éducation des enfants, les relations entre hommes et femmes, le mariage et la sexualité.
Les mutilations génitales féminines (MGF) sont une pratique traditionnelle profondément enracinée qui a des conséquences graves sur la santé des fillettes et des femmes.
On estime qu’à l’heure actuelle, plus de 120 millions de jeunes filles et de femmes dans le monde ont été victimes d’une forme de mutilation génitale ou d’une autre, au moins deux millions de jeunes filles risquent de le devenir chaque année . Souvent cachée sous le vocable traditiono-culturel de “circoncision féminine”, cette pratique est l’une des traditions les plus nuisibles encore pratiquée dans un grand nombre de régions en développement. Elle consiste à exciser une partie voire la majorité de l’appareil génital féminin externe en accompagnant l’opération par une cérémonie généralement avant l’âge de la puberté.
Traumatisante aussi bien sur le plan physique que psychique, cette pratique, parce qu’elle est irréversible, a des répercussions sur la santé et le bien-être (en particulier sur l’hygiène sexuelle et la santé en matière de reproduction) des victimes et ce leur vie durant. De plus, la mutilation génitale féminine (MGF) renforce les inégalités, qui sont le lot des femmes au sein des communautés qui la pratiquent. C’est un problème difficile qui doit être résolu si nous voulons satisfaire les besoins des femmes en matière de développement sanitaire, social et économique.
Malgré son ampleur, beaucoup reste à faire dans le domaine de l’information, de l'étude, de la recherche et surtout de l’étendue du problème et des types d’intervention qui pourraient l’éliminer.
Le Maroc est l’un des pays musulmans ne pratiquant pas les MGF et ce nonobstant les multiples thèses erronées prétextant que l’origine de cette pratique existe dans le Coran.
La discussion sur ce sujet épineux a un but essentiel, à savoir :
Mettre en exergue, à travers une revue de la bibliographie, les fondements, la prévalence et surtout les effets nocifs de la MGF sur la santé des filles et des femmes.
Malgré l’absence de cette pratique au Maroc, elle mérite une discussion qui peut rester académique ou servir de référence pour le corps médical marocain vu l’arrivée au Maroc de plus en plus de personnes issues des régions où elles sont pratiquées..
DESCRIPTION DES MUTILATIONS GENITALES FEMININES
DEFINITION ET TERMINOLOGIE :
TERMINOLOGIE :
La langue française utilise différents termes pour désigner les mutilations sexuelles féminine. En règle générale, on parle de circoncision, d'excision et d'infibulation (selon le cas). La langue juridique arabe emploie le terme khafd ou khifad pour la désigner. Mais la langue courante utilise le terme khitan pour désigner aussi bien la circoncision masculine que féminine. On parle aussi de taharah, ce qui signifie purification, ces mutilations étant supposées purifier ceux qui les subissent.
DEFINITION :
La mutilation des organes génitaux féminins est l’excision rituelle d’une partie ou de l’intégralité des organes génitaux externes d’une femme ou d’une fille. C’est une pratique culturelle ancienne qui subsiste aujourd’hui un peu partout dans le monde, principalement dans certaines régions d’Afrique. Très souvent appelé « circoncision féminine » par analogie à la circoncision masculine, la circoncision féminine n'est pratiquée ni par tous les musulmans ni par tous les arabes. Elle est pratiquée principalement dans 28 pays africains et quelques régions du Moyen-Orient et d'Asie. Elle toucherait environ plus de 120 millions de femmes. Souvent, la circoncision féminine est faite sans anesthésie, par des personnes sans formation médicale, des barbiers ou des sages-femmes, avec des instruments rudimentaires donnant lieu à des complications qui mènent parfois à la mort. Selon la terminologie, on distingue plusieurs sortes de circoncisions féminines :
- La circoncision féminine dite sunnah, ou en conformité à la tradition de Mohamed. Les milieux religieux qui défendent cette forme de circoncision féminine ne précisent pas toujours en quoi elle consiste, ni le texte religieux qui la décrit. Selon un auteur classique, Al-Mawardi (3), "elle se limite à couper la peau en forme de noyau qui se trouve au sommet de l'organe. On doit donc en couper l'épiderme protubérant, sans aller jusqu'à l'ablation". Pour le docteur Hamid Al-Ghawabi (3), il s'agit de couper aussi bien le clitoris que les petites lèvres. Selon le docteur Mahran (3), on excise le capuchon du clitoris ainsi que les parties postérieures les plus importantes des petites lèvres.
- La clitoridectomie ou excision. Elle porte sur l'ablation du clitoris ainsi que des petites lèvres. C'est l'opération pratiquée le plus fréquemment en Egypte.
- L'infibulation ou circoncision pharaonique. Le terme « infibulation » provient d’un mot latin signifiant « bouclé ensemble ». Elle est pratiquée notamment au Soudan et en Somalie et consiste en l'ablation totale du clitoris, des petites lèvres et d'une partie des grandes lèvres. Les deux parties de la vulve sont alors cousues ensembles au moyen de points de suture de soie ou de catgut (au Soudan) ou au moyen d'épines (en Somalie) pour que la vulve soit fermée à l'exception d'un minuscule orifice pour le passage de l'urine et du flux menstruel. Au cours de la nuit de noces, l'époux devra "ouvrir" sa femme, le plus souvent à l'aide d'un poignard à double tranchant. Dans certaines tribus (3, 79), la femme est recousue à chaque départ du mari et "réouverte" à chaque retour de celui-ci. On ferme l'ouverture en cas de divorce pour éviter que la femme ait des rapports sexuels.
Signalons que l'Occident a pratiqué dans le passé la circoncision féminine et surtout l'infibulation. Un des modèles de ceintures de chasteté consistait à faire passer des anneaux dans les lèvres et la vulve et à les fermer par un fil de fer ou par un cadenas dont le mari gardait la clef même et surtout quand il s'absentait. Une certaine forme de circoncision féminine, pratiquée dans la tribu des Kikuyu du Kenya, serait effectuée aujourd'hui dans certains hôpitaux de Paris pour accroître la capacité de jouissance de certaines femmes aisées. On dégage le clitoris et on le rabat à l'intérieur du vagin. Une telle pratique augmenterait la jouissance sexuelle des femmes.
Les termes circoncision féminine et excision ont été très longtemps utilisés pour designer les mutilations génitales féminines mais pendant la Conférence sur les pratiques traditionnelles, Addis Abeba, 1990, les délégués ont considéré que les termes "circoncision féminine et excision peuvent prêter à confusion et pourraient ne pas décrire pleinement la diversité de cette pratique". Le terme de « circoncision » a pour effet de passer sous silence l’importance de la mutilation. Ils ont recommandé de les remplacer par mutilations génitales féminines (Rapport sur les pratiques traditionnelles, Addis Abeba, 1990, p. 8). Ce terme a été adopté plus tard en 1996 par l’Organisation mondiale de la santé qui, après réflexion a jugé nécessaire de donner une définition plus approfondie et large pouvant regrouper les différentes sortes de mutilations.
C’est ainsi que les mutilations génitales féminines ont été définies comme : toutes interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes féminins et/ou toute intervention pratiquée sur les organes génitaux féminins pour une raison non médicale (définition de L’OMS). Elles ont été également regroupées en quatre types d’opération de gravité croissante.
LIEU DE LA PRATIQUE :
Les MGF sont pratiquées dans plusieurs lieux selon les régions et les circonstances, elles peuvent se faire :
- Chez l’exciseuse
- Sous un arbre sur la place publique
- Dans une formation sanitaire
- Au domicile des parents de la fille.
Aujourd’hui avec la campagne d’éradication elles sont faites dans la plus grande clandestinité.
D. TECHNIQUE PROPREMENT DITE :
La fille est habituellement excisée, sans anesthésie, en décubitus dorsal, les cuisses maintenues écartées par des aides, ou par un(e) seul(e), couché(e) sous la jeune fille et lui crochetant les chevilles avec les pieds. Pour immobiliser une fille de sept ans, il faut parfois l'intervention de cinq personnes pour tenir la tête, les deux mains et les deux jambes. Quand il s'agit d'une petite fille, un(e) seul(e) assistant(e) peut lui maintenir à la fois le corps et les cuisses, l'immobilisant en position assise.
L’exécutante saisit la partie à exciser (petite lèvre ; clitoris ; grandes lèvres ) et coupe avec un instrument tranchant. Ceci sans anesthésie et dans des conditions d’asepsie douteuse.
Les cris de douleurs de la fille consentante ou non sont couverts par des incantations ou des you- you des assistantes ou tout simplement par des roulements de tam- tam.
Parfois dans certaines régions, le clitoris est brûlé par du feu à l’aide de braise provenant d’un arbre sacré. La plaie est recouverte par un pansement fait de beurre, parfois de préparations végétales pilées de graines d’arachide, de coton et même de la bouse de vache.
CLASSIFICATION :
Plusieurs sortes de MGF sont pratiquées à travers le monde. L’organisation mondiale de la santé les a regroupées en quatre (4) types d’opération de gravité croissante.
- Type I : excision du prépuce, avec ou sans ablation partielle ou totale du clitoris. Elle est parfois appelée sunna.
- Type II : excision du clitoris et ablation partielle ou totale des petites lèvres.
- Type III : excision partielle ou totale des organes génitaux externes. Parfois appelée « circoncision pharaonique » ou infibulation et consiste à exciser non seulement le clitoris, mais aussi les petites lèvres, et deux tiers au moins des grandes lèvres. Les bords à vif sont alors cousus ensemble, ne laissant qu’une mince ouverture pour l’urine et menstruation
- Type IV : non classé, concerne toutes les autres formes de MGF.Ce sont :
• Cautérisation par brûlure du clitoris et du tissu avoisinant.
• Grattage de l’orifice vaginal ou incision du vagin
• Introduction de substances corrosives ou de plantes dans le vagin pour provoquer des saignement ou pour resserrer ou rétrécir le vagin.
• Et toutes les autres formes répondant à la définition.
Le type I et II représentent les formes les plus fréquentes et représentent à elles seules 80% des MGF. Quant à l’infibulation, la forme la plus extrême, elle ne représente que 15% environ. Cependant quel que soit le type de mutilation, ces interventions sont irréversibles et préjudiciables à la santé de la femme. Le tableau II résume les différents types de mutilation des organes génitaux et précise les termes utilisés plus couramment pour désigner chaque procédure ainsi que les termes médicaux correspondants.
LES COMPLICATIONS IMMEDIATES :
Elles sont nombreuses et comprennent :
HEMORRAGIE :
C’est la première complication par ordre de fréquence. Elle est très souvent due à la lésion de l’artère clitoridienne. Elle peut être minime, ou grave pouvant entraîner des signes de choc, entraînant ainsi la mort si la prise en charge n’est pas adéquate. Sa gravité dépend du type d’opération. Elle est très grave dans le type III vu la richesse vasculaire de la vulve.
CHOC ET DOULEUR :
La douleur très atroce due à l’absence d’anesthésie et le choc causé à la fois par cette douleur et l’hémorragie, peuvent conduire à des pertes de connaissance totales allant jusqu’à la mort.
INFECTION :
Pouvant être locale, locorégionale et même générale, elle est très fréquente et est due au manque d’asepsie durant l’opération. Le tétanos et la septicémie peuvent survenir et sont le plus souvent mortels.
Les infections aiguës sont également favorisées par les médicaments traditionnels utilisés comme pansement de la plaie opératoire et par l’immobilisation prolongée où la fillette baigne dans ses urines et ses excréments (infibulation).
RETENTION AIGUE D’URINE :
La douleur très souvent atroce, la peur et l’œdème des tissus adjacents peuvent entraîner une rétention aiguë d’urine provoquant ainsi des souffrances supplémentaires et surtout une éventuelle infection de l’appareil urinaire.
LESION ACCIDENTELLE D’ORGANES ADJACENTS :
La douleur très souvent atroce est à l’origine de mouvement de défense qui peuvent aggraver les gestes opératoires en entraînant des lésions supplémentaires des organes voisins : rectum, vessie vagin, urètre… Ceci est également aggravé par le manque de connaissances anatomiques et chirurgicales de beaucoup de praticiennes. Ces lésions très souvent méconnues peuvent être à l’origine d’invalidités graves pour le reste de la vie de la victime : fissures, fistules recto-vaginales ou vésico-vaginales…, causes parfois de répudiations ultérieures.
RISQUE DE CONTAMINATION PAR LE VIH ET L’HEPATITE B ET C :
Au cours des MGF le risque de contamination par le VIH et de l’hépatite B et C est très accru. Ceci est dû surtout au manque d’asepsie, la non stérilisation des instruments utilisés et surtout la pratique des MGF sur des enfants en série, le même matériel étant utilisé pour tous les enfants. Plusieurs études épidémiologiques insistent sur le rôle des MGF dans la diffusion africaine du SIDA.
COMPLICATIONS A LONG TERME :
Les femmes ayant subi une mutilation génitale peuvent s’adapter aux changements qui en découlent et, particulièrement dans le cas de certaines formes bénignes, n’avoir aucune complication gênante.
A. DYSFONCTIONNEMENT DES VOIES URINAIRES :
B. DYSFONCTIONNEMENT DES VOIES GENITALES :
C- DIFFICULTES D'ORDRES SEXUEL:
D. INFERTILITE :
E. DIFFICULTE AU COURS DE LA GROSSESSE ET DE L'ACCOUCHEMENT
F. DIFFICULTES EN MATIERE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES :
G. LES CICATRICES VICIEUSES :
H. DYSFONCTIONNEMENTS PSYCHO-SEXUELS :
I. REINFIBULATION ET DEFIBULATION :
Indication de la défibulation :
On recommande la défibulation pour plusieurs raisons :
• Des menstruations moins douloureuses.
• Moins de douleurs pendant les relations sexuelles.
• Réduction du risque d’infection urinaire.
• Possibilité de procéder à des examens médicaux tels que l’examen vaginal interne et externe et les soins prénataux.
• Moins de complications pendant le travail et pendant l’accouchement.
• Réduction du risque d’hémorragie pendant l’accouchement et du post-partum.
• Réduction du taux de césarienne.
• Choix plus grand de méthodes de planification.
Cicatrice vicieuse nécessitant une défibulation.
LA PREVALENCE :
Selon l'OMS, on estime aujourd’hui à plus de 120 millions de fillettes et de femmes ayant subi les MGF, chaque année plus de deux millions sont exposées à cette pratique soit 230/heure (17, 79). Malgré cette ampleur, aucune enquête complète sur la prévalence à l’échelle mondiale n’a été encore réalisée. Actuellement, elles sont surtout répandues dans 28 pays africains où le taux de prévalence varie entre 5 et 98%. Les pays où le taux est le plus élevé sont : l’Egypte, le Soudan, le Somalie, le Mali, Djibouti, Burkina-Faso, l’Erythrée, la Sierra-Leone…. Dans ces pays, le taux dépasse les 70%.
Il faudra noter que cette prévalence varie au sein d’un même pays en fonction des ethnies, du niveau d’instruction, du milieu (urbain ou rural), de la religion.
RAISONS DE LA PRATIQUE DES MGF :
Les raisons évoquées pour justifier les MGF peuvent être regroupées en quatre grands groupes :
Les raisons socioculturelles.
Les raisons psycho-sexuelles.
Les raisons sanitaires et esthétiques.
Les raisons religieuses.
LES RAISONS SOCIOCULTURELLES :
Les divers mythes, crées autour des MGF relient cette pratique à des interprétations du monde qui ont prévalu dans la société ancienne. Dans certaines cultures, l’excision est considérée comme un rite de passage ou une initiation marquant le passage de la jeune fille à la femme adulte. Chez les Bambara au Mali (84), ce passage est désigné par des expressions telles que : “Prendre le pagne”, “Devenir femme”, “s’asseoir sur le fer”.
Chez les Mossis au Burkina-Faso (84), beaucoup estiment qu’une femme non excisée se trouve dans l’impossibilité d’avoir des enfants, le clitoris étant considéré comme un organe dangereux, tuerait l’enfant à la naissance s’il le touche, en plus ils considèrent le clitoris comme pouvant être une source d’impuissance.
Par ailleurs, le souci de perpétuer la lignée et de maintenir la cohésion sociale encouragés par des systèmes très souvent patriarcaux en imposent la pratique des MGF dans beaucoup de communautés africaines.
LES RAISONS PSYCHO-SEXUELLES :
Parmi les multiples raisons avancées par les sociétés qui continuent de pratiquer les MGF, nous pouvons retenir :
La réduction ou l’élimination des tissus sensibles des OGE (clitoris) pour atténuer le désir sexuel de la femme.
Le caractère désordonné de la sexualité des femmes tel les limitations de leurs capacités morales.
L’agressivité du clitoris et la menace qu’il représente pour l’homme.
La fidélité pendant le mariage, accroître le plaisir sexuel masculin.
Enfin et surtout, la recherche de la chasteté et de la virginité.
LES RAISONS SANITAIRES ET ESTHETIQUES :
La clitoridectomie ou excision a été jusqu’en 1950 pour certains et continuerait encore pour d’autres d’être pratiquée mais occasionnellement dans les cliniques européennes (surtout anglaises et américaines) pour les "raisons médicales".
La clitoridectomie permettrait de soigner des maux allant de l’hystérie à l’épilepsie, la nymphomanie à la frigidité. Dans certaines sociétés, le clitoris est représenté comme un organe sale qui contiendrait des vers, laid et est comparé parfois à la crête du coq.
LES RAISONS RELIGIEUSES :
De nos jours, certaines sources font croire que l’excision provient originellement du CORAN. Pour établir cette relation, une croyance populaire se fonde l’histoire de SARAH et d’ABRAHAM. SARAH est sensée avoir fait exciser sa co-épouse après que les relations entre elles se soient dégradées. On dit alors que c’est depuis lors que les MGF se sont répandues chez les musulmans.
Selon ces mêmes sources, le Prophète Momahed aurait laissé une exciseuse faire son travail tout en lui recommandant la modération dans son opération . Ce geste prophétique signifie aux yeux de ces derniers que les MGF sont une tradition non écrite de l’ISLAM. Cependant, toutes ces raisons avancées ne sont que de simples spéculations et/ou interprétations car une chose est sure, le CORAN ne fait nullement part des MGF comme le prétendent ces défenseurs.
AUTRES RAISONS DE LA PERSISTANCE DES MGF :
Les autres raisons de la pratiques des MGF ou plutôt les facteurs jouant contre leur élimination pourraient être économiques et politiques. En effet, la pratique des MGF représenterait une source continue de revenu pour certains pratiquants, notamment : les cliniques, le personnel médical et paramédical, l'exciseuse traditionnelle. Quant aux hommes politiques et autres responsables, bien que sensibilisés aux problèmes que représentent les MGF, ils s’abstiennent de prendre position sur le sujet craignant ainsi d’être impopulaire.
ARGUMENTS RELIGIEUX POUR LA CIRCONCISION
FEMININE SELON SES DEFENSEURS :
1. Les sources du droit musulman :
Sur le plan formel, le droit musulman a trois sources principales ( écrites) :
Le Coran
La Sunna
L’Ijmaa ( l’unanimité des savants)
Il existe une quatrième source (« al Kiass » ou analogie) qui ne fait pas l’unanimité de toutes les doctrines. Elle dépend essentiellement des trois autres sources et est refusée par l’imam IBN HAZEM représentant de la doctrine des Dahirit.
Une autre catégorie particulière : l'igtihad acquiert de plus en plus d'importance. On en distingue deux genres :
- l’Igtihad à titre individuel
- l’Igtihad sous la forme collective qui peut parfois rejoindre l’Ijmaa
Quant aux fatwas (Igtihad à titre individuel), avis des savants religieux musulmans qui, formulées souvent dans un langage accessible au public, indiquent le comportement à suivre pour se conformer à la volonté divine. Bien que non contraignantes juridiquement, les fatwas ne lient pas moins moralement le croyant et constituent parfois la première étape vers la promulgation ou la modification des lois. Elles sont données par écrit ou oralement et font souvent l'objet de publications vendues à large échelle. Nombreuses sont celles qui traitent de la circoncision féminine..
2- Le Coran :
Le Coran ne mentionne ni la circoncision masculine ni la circoncision féminine. Une interprétation extensive de la sourate 2 verset :124 (Al Bakarat) y voit des traces :
Lorsque son Seigneur éprouva Abraham par certains ordres et que celui-ci les eut accomplis, Dieu dit: "Je vais faire de toi un guide pour les hommes".
Un des ordres donnés à Abraham pour l'éprouver serait la circoncision dont parlent certains récits de Mohamed. rapporté par Al Bokhari, Muslim et autres. Or, Abraham est un modèle à suivre pour le musulman en vertu de la sourate 16 verset :123 (al nahl)
Nous t'avons ensuite révélé: "Suis la Religion (millat) d'Abraham, un vrai croyant".
On retrouve ici la règle du droit musulman selon laquelle les normes révélées aux prophètes antérieurs à Mohamed sont maintenues tant qu'elles ne sont pas expressément abrogées. Cette règle de droit est valable d’une manière absolue pour la Foi (l’iman). Ainsi, la BIBLE devient, par un système de renvoi, une source du droit pour les musulmans si et seulement si ces normes et ces règles issu de la BIBLE et des ouvrages antérieurs sont transmises par le CORAN et la SUNNA et leurs pratiques pour le musulman y sont mentionnées.
Dieu dit à Abraham: "... Et voici mon alliance qui sera observée entre moi et vous, c’est à dire ta race après toi: que tous vos mâles soient circoncis. Vous ferez circoncire la chair de votre prépuce, et ce sera le signe de l'alliance entre moi et vous... Quand ils auront huit jours, tous vos mâles seront circoncis, de génération en génération. ... Mon alliance sera marquée dans votre chair, comme une alliance perpétuelle. L'incirconcis, le mâle dont on n'aura pas coupé la chair du prépuce, cette vie-là sera retranchée de sa parenté: il a violé mon alliance".
Cette interprétation des versets coraniques par référence à la Bible est considérée par l'Imam Mahmud Shaltut comme abusive (israf fi al-istidlal) On peut y ajouter que cet argument textuel basé sur une norme juive ne concerne que la circoncision masculine, mais non pas la circoncision féminine que la Bible ne prévoit pas et que les juifs ne pratiquent pas (si l'on excepte les Falachas qui ne sont pas d’origine palestinienne mais qui vivaient au sein des tribus qui pratiquaient la circoncision féminine et qui ont été transférés en Palestine dans les années 1980.). Al-Sukkari répond que, selon Ibn-Hagar, les juifs circoncisaient les deux sexes, d'où son rejet de la circoncision masculine ou féminine au septième jour pour ne pas leur ressembler. Et même si l'authentique Bible - celle d'aujourd'hui étant considérée comme falsifiée - ne contient pas de texte relatif à la circoncision féminine, les musulmans, malgré cela, doivent la pratiquer si le droit musulman la prévoit
3- Les recueils de la Sunnah :
Nous essayons ici de glaner dans les ouvrages d'auteurs arabes contemporains les différents récits de Mohamed relatifs à la circoncision masculine et féminine:
Le récit le plus cité rapporte une discussion entre Mohamed et Um Habibah (ou Um 'Atiyyah). Celle-ci, connue comme exciseuse d'esclaves femelles, d’après le recit rapporté par ABOUDAOUD elle vivait à Médine à l’arrivée du prophète Mohamed. L'ayant aperçue, Mohamed lui demande si elle continue à pratiquer son métier. Elle répond par l'affirmative en ajoutant: "à moins que cela ne soit interdit et que tu ne me commandes de cesser cette pratique". Mohamed lui réplique alors: "Mais si, c'est permis. Approche-toi de moi pour que je puisse t'enseigner: Si tu coupes, n'exagère pas (la tanhaki) car cela rend plus rayonnant (ashraq) le visage et c'est plus agréable (ahza) pour le mari". Selon d'autres rapporteurs, il lui aurait dit: "Coupe légèrement et n'exagère pas (ashimmi wa-la tanhaki) car c'est plus agréable (ahza) pour la femme et meilleur (ahab, selon des sources abha) pour le mari.
Le récit de l'exciseuse dont l’unique rapporteur est l’Imam HAMED IBNOU HANBAL déclare :
Mohamed dit: "La circoncision est une sunnah pour les hommes et makrumah pour les femmes". Nous reviendrons sur le sens de ces deux termes.
S'adressant aux femmes des Ansars, Mohamed dit: "Coupez légèrement et n'exagérez pas (ikhtafidna wa-la tanhikna), car c'est plus agréable (ahza) pour vos maris".
Quelqu'un est venu vers Mohamed et s'est converti devant lui. Mohamed lui dit: "Rase les cheveux de la mécréance et circoncis-toi".
Mohamed dit: "Celui qui devient musulman qu'il se circoncise même s'il est âgé".
On demanda à Mohamed si un non-circoncis pouvait faire le pèlerinage. Il répondit: "Non, tant qu'il n'est pas circoncis".
Mohamed dit: "Cinq [normes] appartiennent à la fitrah: le rasage du pubis, la circoncision, la coupe des moustaches, l'épilation des aisselles et la taille des ongles". (6)
D'autres récits nomment dix normes, dont toujours la circoncision. Les normes de la fitrah seraient les normes que Dieu inculqua à sa création. L'homme qui tend à la perfection doit se conformer à ces normes. Ces normes ne sont pas obligatoires, mais simplement recommandables (mandubah), à l'exception de la circoncision qui est obligatoire. Partant de ces prémisses, Al-Sukkari pense qu'Adam a été le premier circoncis. Ses descendants ayant abandonné cette obligation, elle fut reconfirmée à Abraham et à ses descendants. La circoncision serait alors le signe qui distinguerait le croyant du mécréant. A ce titre, elle constitue l'enseigne de l'Islam.
Mohamed a prescrit: "Si les deux parties circoncises (khitanan) se rencontrent ou si elles se touchent l'une l'autre, il faut faire l'ablution pour la prière". On en a déduit que la femme et l'homme se circoncisaient du temps de Mohamed.
Les shiites ajoutent un récit de l'Imam Al-Sadiq qui dit: "La circoncision féminine est une makrumah, et qu'y a-t-il de mieux que la makrumah"! Al-Sadiq est cité aussi par eux comme le rapporteur du récit de l'exciseuse
Les défenseurs de la circoncision féminine, eux-mêmes admettent que ces récits attribués à Mohamed sont peu crédibles Mahmud Shaltut dit qu'ils ne sont ni clairs ni authentiques. Le Sheikh Abbas, recteur de l'Institut musulman de la Mosquée de Paris est encore plus formel:
Si pour l'homme la circoncision [masculine] (obligatoire) a un but esthétique et hygiénique, il n'y a aucun texte religieux islamique valable qui puisse être pris en considération pour l'excision de la femme, preuve en est que cette pratique est totalement absente dans la majorité des pays islamiques. Et, si certains peuples continuent malheureusement à pratiquer l'excision au point même de porter préjudice à la femme, cela provient sans doute de coutumes antérieures à l'avènement de ces peuples à l'Islam.
4- La coutume et le silence de la loi :
La circoncision féminine ayant des bases fragiles dans le Coran et les Recueils de la Sunnah, Al-Sukkari essaie de consolider ces bases en invoquant la coutume qui constitue une source du droit musulman. Pour lui, la circoncision féminine est devenue une norme dans la mesure où elle est générale, pratiquée de longue date et n'est pas contraire à un texte de la loi religieuse.
Il invoque aussi la règle selon laquelle tout ce qui n'est pas interdit est permis. La circoncision féminine, n'étant pas expressément interdite, reste donc permise Même si les récits relatifs à la circoncision féminine sont crédibles, aucun récit n'est venu l'interdire ou la déclarer blâmable. Une des règles du droit musulman est, qu'il vaut mieux appliquer la norme que de l'abandonner.
ARGUMENTS RELIGIEUX CONTRE LA CIRCONCISION
FEMININE :
1- Dieu ne peut mutiler :
Cet argument se résume en ceci : Peut-on concevoir un Dieu qui se complaît à mutiler ses créatures dans le but de les marquer comme on marque du bétail? Pour comprendre cet argument il est préférable de se référer à des sources écrites qu’à des notions abstraites.
2- Interdiction de changer la créature :
Il n'est pas difficile de retrouver un appui à l'argument précédent dans le Coran lui-même. En effet la « sourate 4 verset 119 » du CORAN interdit à l'homme de changer la créature de Dieu:
[Le démon dit]: "Oui, je prendrai un nombre déterminé de tes serviteurs; je les égarerai et je leur inspirerai de vains désirs; je leur donnerai un ordre, et ils fendront les oreilles des bestiaux; je leur donnerai un ordre, et ils changeront la création de Dieu".
Ce verset condamnerait le changement de la créature de Dieu. Il est invoqué par certains islamistes pour s'opposer à la prévention permanente des naissances que ce soit par des mesures touchant l'homme ou la femme. Etrangement, les adeptes de la circoncision féminine oublient complètement ce verset. Ils oublient aussi cet autre verset :
[Il] a bien fait tout ce qu'il a créé « sourate 32, verset 7 ».
Aziza Kamel, adversaire de la circoncision féminine, invoque ce verset et ajoute: "L'excision est une déformation de ce que Dieu a créé, alors que Dieu est satisfait de sa création.
3- L'homme connaît mieux ses affaires :
Mohamed avait indiqué à des paysans de ne pas pratiquer la pollinisation des dattiers. Cette année-là, les dattiers n'ont pas donné de dattes. Revenus vers Mohamed pour des explications, ces paysans ont reçu pour réponse: "Vous connaissez mieux [que moi] vos affaires temporelles".
Le dernier passage du récit est cité par le Sheikh Hassan Ahmed Abo Sabib, du Soudan, dans son intervention au séminaire sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants en Afrique (Dakar, 6-10 février 1984). Armé de ce récit, il conclut que la circoncision féminine doit être interdite parce que la science médicale a prouvé qu'elle est nocive. Or, dit-il, le Coran interdit à l'homme de nuire à lui-même en vertu de « la sourate 2 verset 195 » : "Ne vous exposez pas, de vos propres mains, à la perdition". D'autre part, Mohamed dit: "Celui qui nuit à un croyant me nuit et celui qui me nuit, nuit à Dieu".
Il sépare la réponse de Mohamed de l'ensemble du récit des dattiers et se limite à dire que les récits de Mohamed sur la circoncision féminine ne sont pas fiables en invoquant l'autorité de son homologue l'Imam Shaltut. Il en conclut que la question de la circoncision masculine et féminine doit être jugée en fonction des méfaits et des bienfaits Malgré cette petite incohérence, cet avis est le plus explicite que nous connaissons de la part d'un responsable religieux musulman contemporain contre la circoncision féminine.
MODALITE DE LA CIRCONCISION FEMININE
ET MASCULINE SELON LE DROIT MUSULMAN :
Circoncision des garçons :
La circoncision masculine consiste, selon les légistes classiques musulmans, à couper le prépuce, de préférence tout le prépuce. Si l'enfant est né circoncis, certains disent qu'il faut le laisser tel quel; pour d'autres, il faut passer le couteau sur l'emplacement du prépuce pour l'accomplissement du commandement. Si la circoncision est incomplète, il faudrait la compléter.
Circoncision des filles :
Al-Sukkari, auteur moderne, décrit comme suit la circoncision féminine. "Il faut commencer par invoquer Dieu en récitant la formule: au nom de Dieu miséricordieux et compatissant, suivie de louange à Dieu et de prière sur le prophète, l'auteur de cette makrumah suprême". La circoncision féminine doit être faite par un ou une médecin chirurgien de religion musulmane et d'apparence pieuse, connaissant les enseignements de Mohamed. Il faut utiliser les meilleurs moyens médicaux pour réduire la souffrance. La circoncision féminine doit être faite le jour pour que le médecin puisse la faire à la lumière du jour, mais en toute discrétion, en présence seulement du tuteur de la fille ou de sa mère, ou de celui qui a le plus de pitié pour elle. Il ne précise pas en quoi consiste la circoncision féminine. Pour Gad-al-Haq, la circoncision féminine consiste à "couper la peau qui se trouve au-dessus de la sortie de l'urine sans exagérer et sans l'extirper" . Al-Sha'rawi précise que si la fille n'a pas de partie excédante, il n'y a pas besoin de la circoncire.
Ce qui est décrit plus haut comme conforme à la sunnah reste du domaine de la théorie. Dans les faits, on pratique plutôt la clitoridectomie (pratiquée en Egypte) ou l'infibulation (pratiquée au Soudan et en Somalie). Au Soudan, une étude a démontré que 64% des circoncisions féminines avaient été pratiquées par des accoucheuses traditionnelles, 35% par des sages- femmes et 0.7% par des médecins.
L'âge pour la circoncision masculine et féminine :
Les légistes ne sont pas unanimes quant à l'âge auquel la circoncision doit être faite. Différentes opinions sont avancées: en tout temps, à l'âge de la puberté, avant l'âge de 10 ans (l'âge auquel l'enfant est frappé pour le contraindre à faire sa prière), à environ sept ans pour le garçon, au septième jour (certains prenant en considération le jour de naissance, d'autre ne le prenant pas), surtout pas le septième jour ou moins (parce que c'est la coutume des juifs auxquels il faut éviter de s'assimiler). Al-Mawardi propose que la circoncision soit faite au plus tard à sept ans mais de préférence à sept jours, voire à quarante jours sauf inconvénient. C'est l'opinion à laquelle opte Al-Sukkari pour les garçons. Pour les filles, il propose l'âge de sept à dix ans pour qu'elles puissent supporter l'opération.
Selon des témoignages recueillis par Wedad Zenie-Ziegler, la circoncision féminine en Egypte est faite en principe une semaine après la naissance, mais cela se fait parfois à deux mois, parfois à sept mois ou même à sept ans. Nawal El-Saadawi dit qu'elle a lieu en Egypte à l'âge de 7 ou 8 ans, avant que la fille ait ses règles .
LA RAISON AU SECOURS DE LA RELIGION ?
Le Coran dit: "Nul ne l'interroge sur ce qu'il fait, mais les hommes seront interrogés" « sourate 21 verset 23 ». Dieu n'a donc pas à rendre compte de ses normes même si les légistes musulmans défendent l'idée que les normes divines visent à réaliser le bien de l'homme. Bien dont les critères échappent en général à l'homme.
Il est cependant une tendance actuelle aussi bien chez les musulmans que chez les juifs, à vouloir justifier a posteriori les normes religieuses, en leur attribuant des effets bénéfiques, réels ou fictifs. C'est un recours à la raison pour justifier la religion. Tel est le cas de la circoncision comme des interdits alimentaires. Cela prouve qu'on n'admet plus que Dieu puisse faire souffrir les êtres humains pour le simple but de les marquer comme du bétail.
Les défenseurs de la circoncision féminine, après avoir prouvé l'existence d'une norme religieuse y relative, vont s'atteler à démontrer ses bienfaits ainsi que les désavantages de la non-circoncision, ce qui est un moyen de réconforter le croyant et de répliquer aux opposants. Quant aux opposants (de la circoncision féminine), à moins d'être des mécréants rejetant toute légitimation religieuse, ils combattent aussi sur deux fronts: après avoir nié l'existence d'une norme religieuse prescrivant la circoncision féminine (la seule qui les intéresse), ils vont essayer de prouver son caractère nocif pour pouvoir l'interdire.
Et si la raison ne parvient pas à prouver la religion ? Alors, on la récuse, comme on le verra plus loin.
DOCUMENT :les mutilations genitales féminines
auteur: Dr Kintega Boulma
Les mutilations génitales féminines (MGF) sont une pratique traditionnelle profondément enracinée qui a des conséquences graves sur la santé des fillettes et des femmes.
On estime qu’à l’heure actuelle, plus de 120 millions de jeunes filles et de femmes dans le monde ont été victimes d’une forme de mutilation génitale ou d’une autre, au moins deux millions de jeunes filles risquent de le devenir chaque année . Souvent cachée sous le vocable traditiono-culturel de “circoncision féminine”, cette pratique est l’une des traditions les plus nuisibles encore pratiquée dans un grand nombre de régions en développement. Elle consiste à exciser une partie voire la majorité de l’appareil génital féminin externe en accompagnant l’opération par une cérémonie généralement avant l’âge de la puberté.
Traumatisante aussi bien sur le plan physique que psychique, cette pratique, parce qu’elle est irréversible, a des répercussions sur la santé et le bien-être (en particulier sur l’hygiène sexuelle et la santé en matière de reproduction) des victimes et ce leur vie durant. De plus, la mutilation génitale féminine (MGF) renforce les inégalités, qui sont le lot des femmes au sein des communautés qui la pratiquent. C’est un problème difficile qui doit être résolu si nous voulons satisfaire les besoins des femmes en matière de développement sanitaire, social et économique.
Malgré son ampleur, beaucoup reste à faire dans le domaine de l’information, de l'étude, de la recherche et surtout de l’étendue du problème et des types d’intervention qui pourraient l’éliminer.
Le Maroc est l’un des pays musulmans ne pratiquant pas les MGF et ce nonobstant les multiples thèses erronées prétextant que l’origine de cette pratique existe dans le Coran.
La discussion sur ce sujet épineux a un but essentiel, à savoir :
Mettre en exergue, à travers une revue de la bibliographie, les fondements, la prévalence et surtout les effets nocifs de la MGF sur la santé des filles et des femmes.
Malgré l’absence de cette pratique au Maroc, elle mérite une discussion qui peut rester académique ou servir de référence pour le corps médical marocain vu l’arrivée au Maroc de plus en plus de personnes issues des régions où elles sont pratiquées..
DESCRIPTION DES MUTILATIONS GENITALES FEMININES
DEFINITION ET TERMINOLOGIE :
TERMINOLOGIE :
La langue française utilise différents termes pour désigner les mutilations sexuelles féminine. En règle générale, on parle de circoncision, d'excision et d'infibulation (selon le cas). La langue juridique arabe emploie le terme khafd ou khifad pour la désigner. Mais la langue courante utilise le terme khitan pour désigner aussi bien la circoncision masculine que féminine. On parle aussi de taharah, ce qui signifie purification, ces mutilations étant supposées purifier ceux qui les subissent.
DEFINITION :
La mutilation des organes génitaux féminins est l’excision rituelle d’une partie ou de l’intégralité des organes génitaux externes d’une femme ou d’une fille. C’est une pratique culturelle ancienne qui subsiste aujourd’hui un peu partout dans le monde, principalement dans certaines régions d’Afrique. Très souvent appelé « circoncision féminine » par analogie à la circoncision masculine, la circoncision féminine n'est pratiquée ni par tous les musulmans ni par tous les arabes. Elle est pratiquée principalement dans 28 pays africains et quelques régions du Moyen-Orient et d'Asie. Elle toucherait environ plus de 120 millions de femmes. Souvent, la circoncision féminine est faite sans anesthésie, par des personnes sans formation médicale, des barbiers ou des sages-femmes, avec des instruments rudimentaires donnant lieu à des complications qui mènent parfois à la mort. Selon la terminologie, on distingue plusieurs sortes de circoncisions féminines :
- La circoncision féminine dite sunnah, ou en conformité à la tradition de Mohamed. Les milieux religieux qui défendent cette forme de circoncision féminine ne précisent pas toujours en quoi elle consiste, ni le texte religieux qui la décrit. Selon un auteur classique, Al-Mawardi (3), "elle se limite à couper la peau en forme de noyau qui se trouve au sommet de l'organe. On doit donc en couper l'épiderme protubérant, sans aller jusqu'à l'ablation". Pour le docteur Hamid Al-Ghawabi (3), il s'agit de couper aussi bien le clitoris que les petites lèvres. Selon le docteur Mahran (3), on excise le capuchon du clitoris ainsi que les parties postérieures les plus importantes des petites lèvres.
- La clitoridectomie ou excision. Elle porte sur l'ablation du clitoris ainsi que des petites lèvres. C'est l'opération pratiquée le plus fréquemment en Egypte.
- L'infibulation ou circoncision pharaonique. Le terme « infibulation » provient d’un mot latin signifiant « bouclé ensemble ». Elle est pratiquée notamment au Soudan et en Somalie et consiste en l'ablation totale du clitoris, des petites lèvres et d'une partie des grandes lèvres. Les deux parties de la vulve sont alors cousues ensembles au moyen de points de suture de soie ou de catgut (au Soudan) ou au moyen d'épines (en Somalie) pour que la vulve soit fermée à l'exception d'un minuscule orifice pour le passage de l'urine et du flux menstruel. Au cours de la nuit de noces, l'époux devra "ouvrir" sa femme, le plus souvent à l'aide d'un poignard à double tranchant. Dans certaines tribus (3, 79), la femme est recousue à chaque départ du mari et "réouverte" à chaque retour de celui-ci. On ferme l'ouverture en cas de divorce pour éviter que la femme ait des rapports sexuels.
Signalons que l'Occident a pratiqué dans le passé la circoncision féminine et surtout l'infibulation. Un des modèles de ceintures de chasteté consistait à faire passer des anneaux dans les lèvres et la vulve et à les fermer par un fil de fer ou par un cadenas dont le mari gardait la clef même et surtout quand il s'absentait. Une certaine forme de circoncision féminine, pratiquée dans la tribu des Kikuyu du Kenya, serait effectuée aujourd'hui dans certains hôpitaux de Paris pour accroître la capacité de jouissance de certaines femmes aisées. On dégage le clitoris et on le rabat à l'intérieur du vagin. Une telle pratique augmenterait la jouissance sexuelle des femmes.
Les termes circoncision féminine et excision ont été très longtemps utilisés pour designer les mutilations génitales féminines mais pendant la Conférence sur les pratiques traditionnelles, Addis Abeba, 1990, les délégués ont considéré que les termes "circoncision féminine et excision peuvent prêter à confusion et pourraient ne pas décrire pleinement la diversité de cette pratique". Le terme de « circoncision » a pour effet de passer sous silence l’importance de la mutilation. Ils ont recommandé de les remplacer par mutilations génitales féminines (Rapport sur les pratiques traditionnelles, Addis Abeba, 1990, p. 8). Ce terme a été adopté plus tard en 1996 par l’Organisation mondiale de la santé qui, après réflexion a jugé nécessaire de donner une définition plus approfondie et large pouvant regrouper les différentes sortes de mutilations.
C’est ainsi que les mutilations génitales féminines ont été définies comme : toutes interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes féminins et/ou toute intervention pratiquée sur les organes génitaux féminins pour une raison non médicale (définition de L’OMS). Elles ont été également regroupées en quatre types d’opération de gravité croissante.
LIEU DE LA PRATIQUE :
Les MGF sont pratiquées dans plusieurs lieux selon les régions et les circonstances, elles peuvent se faire :
- Chez l’exciseuse
- Sous un arbre sur la place publique
- Dans une formation sanitaire
- Au domicile des parents de la fille.
Aujourd’hui avec la campagne d’éradication elles sont faites dans la plus grande clandestinité.
D. TECHNIQUE PROPREMENT DITE :
La fille est habituellement excisée, sans anesthésie, en décubitus dorsal, les cuisses maintenues écartées par des aides, ou par un(e) seul(e), couché(e) sous la jeune fille et lui crochetant les chevilles avec les pieds. Pour immobiliser une fille de sept ans, il faut parfois l'intervention de cinq personnes pour tenir la tête, les deux mains et les deux jambes. Quand il s'agit d'une petite fille, un(e) seul(e) assistant(e) peut lui maintenir à la fois le corps et les cuisses, l'immobilisant en position assise.
L’exécutante saisit la partie à exciser (petite lèvre ; clitoris ; grandes lèvres ) et coupe avec un instrument tranchant. Ceci sans anesthésie et dans des conditions d’asepsie douteuse.
Les cris de douleurs de la fille consentante ou non sont couverts par des incantations ou des you- you des assistantes ou tout simplement par des roulements de tam- tam.
Parfois dans certaines régions, le clitoris est brûlé par du feu à l’aide de braise provenant d’un arbre sacré. La plaie est recouverte par un pansement fait de beurre, parfois de préparations végétales pilées de graines d’arachide, de coton et même de la bouse de vache.
CLASSIFICATION :
Plusieurs sortes de MGF sont pratiquées à travers le monde. L’organisation mondiale de la santé les a regroupées en quatre (4) types d’opération de gravité croissante.
- Type I : excision du prépuce, avec ou sans ablation partielle ou totale du clitoris. Elle est parfois appelée sunna.
- Type II : excision du clitoris et ablation partielle ou totale des petites lèvres.
- Type III : excision partielle ou totale des organes génitaux externes. Parfois appelée « circoncision pharaonique » ou infibulation et consiste à exciser non seulement le clitoris, mais aussi les petites lèvres, et deux tiers au moins des grandes lèvres. Les bords à vif sont alors cousus ensemble, ne laissant qu’une mince ouverture pour l’urine et menstruation
- Type IV : non classé, concerne toutes les autres formes de MGF.Ce sont :
• Cautérisation par brûlure du clitoris et du tissu avoisinant.
• Grattage de l’orifice vaginal ou incision du vagin
• Introduction de substances corrosives ou de plantes dans le vagin pour provoquer des saignement ou pour resserrer ou rétrécir le vagin.
• Et toutes les autres formes répondant à la définition.
Le type I et II représentent les formes les plus fréquentes et représentent à elles seules 80% des MGF. Quant à l’infibulation, la forme la plus extrême, elle ne représente que 15% environ. Cependant quel que soit le type de mutilation, ces interventions sont irréversibles et préjudiciables à la santé de la femme. Le tableau II résume les différents types de mutilation des organes génitaux et précise les termes utilisés plus couramment pour désigner chaque procédure ainsi que les termes médicaux correspondants.
LES COMPLICATIONS IMMEDIATES :
Elles sont nombreuses et comprennent :
HEMORRAGIE :
C’est la première complication par ordre de fréquence. Elle est très souvent due à la lésion de l’artère clitoridienne. Elle peut être minime, ou grave pouvant entraîner des signes de choc, entraînant ainsi la mort si la prise en charge n’est pas adéquate. Sa gravité dépend du type d’opération. Elle est très grave dans le type III vu la richesse vasculaire de la vulve.
CHOC ET DOULEUR :
La douleur très atroce due à l’absence d’anesthésie et le choc causé à la fois par cette douleur et l’hémorragie, peuvent conduire à des pertes de connaissance totales allant jusqu’à la mort.
INFECTION :
Pouvant être locale, locorégionale et même générale, elle est très fréquente et est due au manque d’asepsie durant l’opération. Le tétanos et la septicémie peuvent survenir et sont le plus souvent mortels.
Les infections aiguës sont également favorisées par les médicaments traditionnels utilisés comme pansement de la plaie opératoire et par l’immobilisation prolongée où la fillette baigne dans ses urines et ses excréments (infibulation).
RETENTION AIGUE D’URINE :
La douleur très souvent atroce, la peur et l’œdème des tissus adjacents peuvent entraîner une rétention aiguë d’urine provoquant ainsi des souffrances supplémentaires et surtout une éventuelle infection de l’appareil urinaire.
LESION ACCIDENTELLE D’ORGANES ADJACENTS :
La douleur très souvent atroce est à l’origine de mouvement de défense qui peuvent aggraver les gestes opératoires en entraînant des lésions supplémentaires des organes voisins : rectum, vessie vagin, urètre… Ceci est également aggravé par le manque de connaissances anatomiques et chirurgicales de beaucoup de praticiennes. Ces lésions très souvent méconnues peuvent être à l’origine d’invalidités graves pour le reste de la vie de la victime : fissures, fistules recto-vaginales ou vésico-vaginales…, causes parfois de répudiations ultérieures.
RISQUE DE CONTAMINATION PAR LE VIH ET L’HEPATITE B ET C :
Au cours des MGF le risque de contamination par le VIH et de l’hépatite B et C est très accru. Ceci est dû surtout au manque d’asepsie, la non stérilisation des instruments utilisés et surtout la pratique des MGF sur des enfants en série, le même matériel étant utilisé pour tous les enfants. Plusieurs études épidémiologiques insistent sur le rôle des MGF dans la diffusion africaine du SIDA.
COMPLICATIONS A LONG TERME :
Les femmes ayant subi une mutilation génitale peuvent s’adapter aux changements qui en découlent et, particulièrement dans le cas de certaines formes bénignes, n’avoir aucune complication gênante.
A. DYSFONCTIONNEMENT DES VOIES URINAIRES :
B. DYSFONCTIONNEMENT DES VOIES GENITALES :
C- DIFFICULTES D'ORDRES SEXUEL:
D. INFERTILITE :
E. DIFFICULTE AU COURS DE LA GROSSESSE ET DE L'ACCOUCHEMENT
F. DIFFICULTES EN MATIERE DE PLANIFICATION DES NAISSANCES :
G. LES CICATRICES VICIEUSES :
H. DYSFONCTIONNEMENTS PSYCHO-SEXUELS :
I. REINFIBULATION ET DEFIBULATION :
Indication de la défibulation :
On recommande la défibulation pour plusieurs raisons :
• Des menstruations moins douloureuses.
• Moins de douleurs pendant les relations sexuelles.
• Réduction du risque d’infection urinaire.
• Possibilité de procéder à des examens médicaux tels que l’examen vaginal interne et externe et les soins prénataux.
• Moins de complications pendant le travail et pendant l’accouchement.
• Réduction du risque d’hémorragie pendant l’accouchement et du post-partum.
• Réduction du taux de césarienne.
• Choix plus grand de méthodes de planification.
Cicatrice vicieuse nécessitant une défibulation.
LA PREVALENCE :
Selon l'OMS, on estime aujourd’hui à plus de 120 millions de fillettes et de femmes ayant subi les MGF, chaque année plus de deux millions sont exposées à cette pratique soit 230/heure (17, 79). Malgré cette ampleur, aucune enquête complète sur la prévalence à l’échelle mondiale n’a été encore réalisée. Actuellement, elles sont surtout répandues dans 28 pays africains où le taux de prévalence varie entre 5 et 98%. Les pays où le taux est le plus élevé sont : l’Egypte, le Soudan, le Somalie, le Mali, Djibouti, Burkina-Faso, l’Erythrée, la Sierra-Leone…. Dans ces pays, le taux dépasse les 70%.
Il faudra noter que cette prévalence varie au sein d’un même pays en fonction des ethnies, du niveau d’instruction, du milieu (urbain ou rural), de la religion.
RAISONS DE LA PRATIQUE DES MGF :
Les raisons évoquées pour justifier les MGF peuvent être regroupées en quatre grands groupes :
Les raisons socioculturelles.
Les raisons psycho-sexuelles.
Les raisons sanitaires et esthétiques.
Les raisons religieuses.
LES RAISONS SOCIOCULTURELLES :
Les divers mythes, crées autour des MGF relient cette pratique à des interprétations du monde qui ont prévalu dans la société ancienne. Dans certaines cultures, l’excision est considérée comme un rite de passage ou une initiation marquant le passage de la jeune fille à la femme adulte. Chez les Bambara au Mali (84), ce passage est désigné par des expressions telles que : “Prendre le pagne”, “Devenir femme”, “s’asseoir sur le fer”.
Chez les Mossis au Burkina-Faso (84), beaucoup estiment qu’une femme non excisée se trouve dans l’impossibilité d’avoir des enfants, le clitoris étant considéré comme un organe dangereux, tuerait l’enfant à la naissance s’il le touche, en plus ils considèrent le clitoris comme pouvant être une source d’impuissance.
Par ailleurs, le souci de perpétuer la lignée et de maintenir la cohésion sociale encouragés par des systèmes très souvent patriarcaux en imposent la pratique des MGF dans beaucoup de communautés africaines.
LES RAISONS PSYCHO-SEXUELLES :
Parmi les multiples raisons avancées par les sociétés qui continuent de pratiquer les MGF, nous pouvons retenir :
La réduction ou l’élimination des tissus sensibles des OGE (clitoris) pour atténuer le désir sexuel de la femme.
Le caractère désordonné de la sexualité des femmes tel les limitations de leurs capacités morales.
L’agressivité du clitoris et la menace qu’il représente pour l’homme.
La fidélité pendant le mariage, accroître le plaisir sexuel masculin.
Enfin et surtout, la recherche de la chasteté et de la virginité.
LES RAISONS SANITAIRES ET ESTHETIQUES :
La clitoridectomie ou excision a été jusqu’en 1950 pour certains et continuerait encore pour d’autres d’être pratiquée mais occasionnellement dans les cliniques européennes (surtout anglaises et américaines) pour les "raisons médicales".
La clitoridectomie permettrait de soigner des maux allant de l’hystérie à l’épilepsie, la nymphomanie à la frigidité. Dans certaines sociétés, le clitoris est représenté comme un organe sale qui contiendrait des vers, laid et est comparé parfois à la crête du coq.
LES RAISONS RELIGIEUSES :
De nos jours, certaines sources font croire que l’excision provient originellement du CORAN. Pour établir cette relation, une croyance populaire se fonde l’histoire de SARAH et d’ABRAHAM. SARAH est sensée avoir fait exciser sa co-épouse après que les relations entre elles se soient dégradées. On dit alors que c’est depuis lors que les MGF se sont répandues chez les musulmans.
Selon ces mêmes sources, le Prophète Momahed aurait laissé une exciseuse faire son travail tout en lui recommandant la modération dans son opération . Ce geste prophétique signifie aux yeux de ces derniers que les MGF sont une tradition non écrite de l’ISLAM. Cependant, toutes ces raisons avancées ne sont que de simples spéculations et/ou interprétations car une chose est sure, le CORAN ne fait nullement part des MGF comme le prétendent ces défenseurs.
AUTRES RAISONS DE LA PERSISTANCE DES MGF :
Les autres raisons de la pratiques des MGF ou plutôt les facteurs jouant contre leur élimination pourraient être économiques et politiques. En effet, la pratique des MGF représenterait une source continue de revenu pour certains pratiquants, notamment : les cliniques, le personnel médical et paramédical, l'exciseuse traditionnelle. Quant aux hommes politiques et autres responsables, bien que sensibilisés aux problèmes que représentent les MGF, ils s’abstiennent de prendre position sur le sujet craignant ainsi d’être impopulaire.
ARGUMENTS RELIGIEUX POUR LA CIRCONCISION
FEMININE SELON SES DEFENSEURS :
1. Les sources du droit musulman :
Sur le plan formel, le droit musulman a trois sources principales ( écrites) :
Le Coran
La Sunna
L’Ijmaa ( l’unanimité des savants)
Il existe une quatrième source (« al Kiass » ou analogie) qui ne fait pas l’unanimité de toutes les doctrines. Elle dépend essentiellement des trois autres sources et est refusée par l’imam IBN HAZEM représentant de la doctrine des Dahirit.
Une autre catégorie particulière : l'igtihad acquiert de plus en plus d'importance. On en distingue deux genres :
- l’Igtihad à titre individuel
- l’Igtihad sous la forme collective qui peut parfois rejoindre l’Ijmaa
Quant aux fatwas (Igtihad à titre individuel), avis des savants religieux musulmans qui, formulées souvent dans un langage accessible au public, indiquent le comportement à suivre pour se conformer à la volonté divine. Bien que non contraignantes juridiquement, les fatwas ne lient pas moins moralement le croyant et constituent parfois la première étape vers la promulgation ou la modification des lois. Elles sont données par écrit ou oralement et font souvent l'objet de publications vendues à large échelle. Nombreuses sont celles qui traitent de la circoncision féminine..
2- Le Coran :
Le Coran ne mentionne ni la circoncision masculine ni la circoncision féminine. Une interprétation extensive de la sourate 2 verset :124 (Al Bakarat) y voit des traces :
Lorsque son Seigneur éprouva Abraham par certains ordres et que celui-ci les eut accomplis, Dieu dit: "Je vais faire de toi un guide pour les hommes".
Un des ordres donnés à Abraham pour l'éprouver serait la circoncision dont parlent certains récits de Mohamed. rapporté par Al Bokhari, Muslim et autres. Or, Abraham est un modèle à suivre pour le musulman en vertu de la sourate 16 verset :123 (al nahl)
Nous t'avons ensuite révélé: "Suis la Religion (millat) d'Abraham, un vrai croyant".
On retrouve ici la règle du droit musulman selon laquelle les normes révélées aux prophètes antérieurs à Mohamed sont maintenues tant qu'elles ne sont pas expressément abrogées. Cette règle de droit est valable d’une manière absolue pour la Foi (l’iman). Ainsi, la BIBLE devient, par un système de renvoi, une source du droit pour les musulmans si et seulement si ces normes et ces règles issu de la BIBLE et des ouvrages antérieurs sont transmises par le CORAN et la SUNNA et leurs pratiques pour le musulman y sont mentionnées.
Dieu dit à Abraham: "... Et voici mon alliance qui sera observée entre moi et vous, c’est à dire ta race après toi: que tous vos mâles soient circoncis. Vous ferez circoncire la chair de votre prépuce, et ce sera le signe de l'alliance entre moi et vous... Quand ils auront huit jours, tous vos mâles seront circoncis, de génération en génération. ... Mon alliance sera marquée dans votre chair, comme une alliance perpétuelle. L'incirconcis, le mâle dont on n'aura pas coupé la chair du prépuce, cette vie-là sera retranchée de sa parenté: il a violé mon alliance".
Cette interprétation des versets coraniques par référence à la Bible est considérée par l'Imam Mahmud Shaltut comme abusive (israf fi al-istidlal) On peut y ajouter que cet argument textuel basé sur une norme juive ne concerne que la circoncision masculine, mais non pas la circoncision féminine que la Bible ne prévoit pas et que les juifs ne pratiquent pas (si l'on excepte les Falachas qui ne sont pas d’origine palestinienne mais qui vivaient au sein des tribus qui pratiquaient la circoncision féminine et qui ont été transférés en Palestine dans les années 1980.). Al-Sukkari répond que, selon Ibn-Hagar, les juifs circoncisaient les deux sexes, d'où son rejet de la circoncision masculine ou féminine au septième jour pour ne pas leur ressembler. Et même si l'authentique Bible - celle d'aujourd'hui étant considérée comme falsifiée - ne contient pas de texte relatif à la circoncision féminine, les musulmans, malgré cela, doivent la pratiquer si le droit musulman la prévoit
3- Les recueils de la Sunnah :
Nous essayons ici de glaner dans les ouvrages d'auteurs arabes contemporains les différents récits de Mohamed relatifs à la circoncision masculine et féminine:
Le récit le plus cité rapporte une discussion entre Mohamed et Um Habibah (ou Um 'Atiyyah). Celle-ci, connue comme exciseuse d'esclaves femelles, d’après le recit rapporté par ABOUDAOUD elle vivait à Médine à l’arrivée du prophète Mohamed. L'ayant aperçue, Mohamed lui demande si elle continue à pratiquer son métier. Elle répond par l'affirmative en ajoutant: "à moins que cela ne soit interdit et que tu ne me commandes de cesser cette pratique". Mohamed lui réplique alors: "Mais si, c'est permis. Approche-toi de moi pour que je puisse t'enseigner: Si tu coupes, n'exagère pas (la tanhaki) car cela rend plus rayonnant (ashraq) le visage et c'est plus agréable (ahza) pour le mari". Selon d'autres rapporteurs, il lui aurait dit: "Coupe légèrement et n'exagère pas (ashimmi wa-la tanhaki) car c'est plus agréable (ahza) pour la femme et meilleur (ahab, selon des sources abha) pour le mari.
Le récit de l'exciseuse dont l’unique rapporteur est l’Imam HAMED IBNOU HANBAL déclare :
Mohamed dit: "La circoncision est une sunnah pour les hommes et makrumah pour les femmes". Nous reviendrons sur le sens de ces deux termes.
S'adressant aux femmes des Ansars, Mohamed dit: "Coupez légèrement et n'exagérez pas (ikhtafidna wa-la tanhikna), car c'est plus agréable (ahza) pour vos maris".
Quelqu'un est venu vers Mohamed et s'est converti devant lui. Mohamed lui dit: "Rase les cheveux de la mécréance et circoncis-toi".
Mohamed dit: "Celui qui devient musulman qu'il se circoncise même s'il est âgé".
On demanda à Mohamed si un non-circoncis pouvait faire le pèlerinage. Il répondit: "Non, tant qu'il n'est pas circoncis".
Mohamed dit: "Cinq [normes] appartiennent à la fitrah: le rasage du pubis, la circoncision, la coupe des moustaches, l'épilation des aisselles et la taille des ongles". (6)
D'autres récits nomment dix normes, dont toujours la circoncision. Les normes de la fitrah seraient les normes que Dieu inculqua à sa création. L'homme qui tend à la perfection doit se conformer à ces normes. Ces normes ne sont pas obligatoires, mais simplement recommandables (mandubah), à l'exception de la circoncision qui est obligatoire. Partant de ces prémisses, Al-Sukkari pense qu'Adam a été le premier circoncis. Ses descendants ayant abandonné cette obligation, elle fut reconfirmée à Abraham et à ses descendants. La circoncision serait alors le signe qui distinguerait le croyant du mécréant. A ce titre, elle constitue l'enseigne de l'Islam.
Mohamed a prescrit: "Si les deux parties circoncises (khitanan) se rencontrent ou si elles se touchent l'une l'autre, il faut faire l'ablution pour la prière". On en a déduit que la femme et l'homme se circoncisaient du temps de Mohamed.
Les shiites ajoutent un récit de l'Imam Al-Sadiq qui dit: "La circoncision féminine est une makrumah, et qu'y a-t-il de mieux que la makrumah"! Al-Sadiq est cité aussi par eux comme le rapporteur du récit de l'exciseuse
Les défenseurs de la circoncision féminine, eux-mêmes admettent que ces récits attribués à Mohamed sont peu crédibles Mahmud Shaltut dit qu'ils ne sont ni clairs ni authentiques. Le Sheikh Abbas, recteur de l'Institut musulman de la Mosquée de Paris est encore plus formel:
Si pour l'homme la circoncision [masculine] (obligatoire) a un but esthétique et hygiénique, il n'y a aucun texte religieux islamique valable qui puisse être pris en considération pour l'excision de la femme, preuve en est que cette pratique est totalement absente dans la majorité des pays islamiques. Et, si certains peuples continuent malheureusement à pratiquer l'excision au point même de porter préjudice à la femme, cela provient sans doute de coutumes antérieures à l'avènement de ces peuples à l'Islam.
4- La coutume et le silence de la loi :
La circoncision féminine ayant des bases fragiles dans le Coran et les Recueils de la Sunnah, Al-Sukkari essaie de consolider ces bases en invoquant la coutume qui constitue une source du droit musulman. Pour lui, la circoncision féminine est devenue une norme dans la mesure où elle est générale, pratiquée de longue date et n'est pas contraire à un texte de la loi religieuse.
Il invoque aussi la règle selon laquelle tout ce qui n'est pas interdit est permis. La circoncision féminine, n'étant pas expressément interdite, reste donc permise Même si les récits relatifs à la circoncision féminine sont crédibles, aucun récit n'est venu l'interdire ou la déclarer blâmable. Une des règles du droit musulman est, qu'il vaut mieux appliquer la norme que de l'abandonner.
ARGUMENTS RELIGIEUX CONTRE LA CIRCONCISION
FEMININE :
1- Dieu ne peut mutiler :
Cet argument se résume en ceci : Peut-on concevoir un Dieu qui se complaît à mutiler ses créatures dans le but de les marquer comme on marque du bétail? Pour comprendre cet argument il est préférable de se référer à des sources écrites qu’à des notions abstraites.
2- Interdiction de changer la créature :
Il n'est pas difficile de retrouver un appui à l'argument précédent dans le Coran lui-même. En effet la « sourate 4 verset 119 » du CORAN interdit à l'homme de changer la créature de Dieu:
[Le démon dit]: "Oui, je prendrai un nombre déterminé de tes serviteurs; je les égarerai et je leur inspirerai de vains désirs; je leur donnerai un ordre, et ils fendront les oreilles des bestiaux; je leur donnerai un ordre, et ils changeront la création de Dieu".
Ce verset condamnerait le changement de la créature de Dieu. Il est invoqué par certains islamistes pour s'opposer à la prévention permanente des naissances que ce soit par des mesures touchant l'homme ou la femme. Etrangement, les adeptes de la circoncision féminine oublient complètement ce verset. Ils oublient aussi cet autre verset :
[Il] a bien fait tout ce qu'il a créé « sourate 32, verset 7 ».
Aziza Kamel, adversaire de la circoncision féminine, invoque ce verset et ajoute: "L'excision est une déformation de ce que Dieu a créé, alors que Dieu est satisfait de sa création.
3- L'homme connaît mieux ses affaires :
Mohamed avait indiqué à des paysans de ne pas pratiquer la pollinisation des dattiers. Cette année-là, les dattiers n'ont pas donné de dattes. Revenus vers Mohamed pour des explications, ces paysans ont reçu pour réponse: "Vous connaissez mieux [que moi] vos affaires temporelles".
Le dernier passage du récit est cité par le Sheikh Hassan Ahmed Abo Sabib, du Soudan, dans son intervention au séminaire sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants en Afrique (Dakar, 6-10 février 1984). Armé de ce récit, il conclut que la circoncision féminine doit être interdite parce que la science médicale a prouvé qu'elle est nocive. Or, dit-il, le Coran interdit à l'homme de nuire à lui-même en vertu de « la sourate 2 verset 195 » : "Ne vous exposez pas, de vos propres mains, à la perdition". D'autre part, Mohamed dit: "Celui qui nuit à un croyant me nuit et celui qui me nuit, nuit à Dieu".
Il sépare la réponse de Mohamed de l'ensemble du récit des dattiers et se limite à dire que les récits de Mohamed sur la circoncision féminine ne sont pas fiables en invoquant l'autorité de son homologue l'Imam Shaltut. Il en conclut que la question de la circoncision masculine et féminine doit être jugée en fonction des méfaits et des bienfaits Malgré cette petite incohérence, cet avis est le plus explicite que nous connaissons de la part d'un responsable religieux musulman contemporain contre la circoncision féminine.
MODALITE DE LA CIRCONCISION FEMININE
ET MASCULINE SELON LE DROIT MUSULMAN :
Circoncision des garçons :
La circoncision masculine consiste, selon les légistes classiques musulmans, à couper le prépuce, de préférence tout le prépuce. Si l'enfant est né circoncis, certains disent qu'il faut le laisser tel quel; pour d'autres, il faut passer le couteau sur l'emplacement du prépuce pour l'accomplissement du commandement. Si la circoncision est incomplète, il faudrait la compléter.
Circoncision des filles :
Al-Sukkari, auteur moderne, décrit comme suit la circoncision féminine. "Il faut commencer par invoquer Dieu en récitant la formule: au nom de Dieu miséricordieux et compatissant, suivie de louange à Dieu et de prière sur le prophète, l'auteur de cette makrumah suprême". La circoncision féminine doit être faite par un ou une médecin chirurgien de religion musulmane et d'apparence pieuse, connaissant les enseignements de Mohamed. Il faut utiliser les meilleurs moyens médicaux pour réduire la souffrance. La circoncision féminine doit être faite le jour pour que le médecin puisse la faire à la lumière du jour, mais en toute discrétion, en présence seulement du tuteur de la fille ou de sa mère, ou de celui qui a le plus de pitié pour elle. Il ne précise pas en quoi consiste la circoncision féminine. Pour Gad-al-Haq, la circoncision féminine consiste à "couper la peau qui se trouve au-dessus de la sortie de l'urine sans exagérer et sans l'extirper" . Al-Sha'rawi précise que si la fille n'a pas de partie excédante, il n'y a pas besoin de la circoncire.
Ce qui est décrit plus haut comme conforme à la sunnah reste du domaine de la théorie. Dans les faits, on pratique plutôt la clitoridectomie (pratiquée en Egypte) ou l'infibulation (pratiquée au Soudan et en Somalie). Au Soudan, une étude a démontré que 64% des circoncisions féminines avaient été pratiquées par des accoucheuses traditionnelles, 35% par des sages- femmes et 0.7% par des médecins.
L'âge pour la circoncision masculine et féminine :
Les légistes ne sont pas unanimes quant à l'âge auquel la circoncision doit être faite. Différentes opinions sont avancées: en tout temps, à l'âge de la puberté, avant l'âge de 10 ans (l'âge auquel l'enfant est frappé pour le contraindre à faire sa prière), à environ sept ans pour le garçon, au septième jour (certains prenant en considération le jour de naissance, d'autre ne le prenant pas), surtout pas le septième jour ou moins (parce que c'est la coutume des juifs auxquels il faut éviter de s'assimiler). Al-Mawardi propose que la circoncision soit faite au plus tard à sept ans mais de préférence à sept jours, voire à quarante jours sauf inconvénient. C'est l'opinion à laquelle opte Al-Sukkari pour les garçons. Pour les filles, il propose l'âge de sept à dix ans pour qu'elles puissent supporter l'opération.
Selon des témoignages recueillis par Wedad Zenie-Ziegler, la circoncision féminine en Egypte est faite en principe une semaine après la naissance, mais cela se fait parfois à deux mois, parfois à sept mois ou même à sept ans. Nawal El-Saadawi dit qu'elle a lieu en Egypte à l'âge de 7 ou 8 ans, avant que la fille ait ses règles .
LA RAISON AU SECOURS DE LA RELIGION ?
Le Coran dit: "Nul ne l'interroge sur ce qu'il fait, mais les hommes seront interrogés" « sourate 21 verset 23 ». Dieu n'a donc pas à rendre compte de ses normes même si les légistes musulmans défendent l'idée que les normes divines visent à réaliser le bien de l'homme. Bien dont les critères échappent en général à l'homme.
Il est cependant une tendance actuelle aussi bien chez les musulmans que chez les juifs, à vouloir justifier a posteriori les normes religieuses, en leur attribuant des effets bénéfiques, réels ou fictifs. C'est un recours à la raison pour justifier la religion. Tel est le cas de la circoncision comme des interdits alimentaires. Cela prouve qu'on n'admet plus que Dieu puisse faire souffrir les êtres humains pour le simple but de les marquer comme du bétail.
Les défenseurs de la circoncision féminine, après avoir prouvé l'existence d'une norme religieuse y relative, vont s'atteler à démontrer ses bienfaits ainsi que les désavantages de la non-circoncision, ce qui est un moyen de réconforter le croyant et de répliquer aux opposants. Quant aux opposants (de la circoncision féminine), à moins d'être des mécréants rejetant toute légitimation religieuse, ils combattent aussi sur deux fronts: après avoir nié l'existence d'une norme religieuse prescrivant la circoncision féminine (la seule qui les intéresse), ils vont essayer de prouver son caractère nocif pour pouvoir l'interdire.
Et si la raison ne parvient pas à prouver la religion ? Alors, on la récuse, comme on le verra plus loin.
DOCUMENT :les mutilations genitales féminines
auteur: Dr Kintega Boulma
Les Nations Unies et les droits des femmes
Lors de la création des Nations Unies, en 1945, la lutte pour l’égalité entre les sexes était balbutiante. Seuls trente, des cinquante et un premiers Etats Membres de l’Organisation, accordaient aux femmes les mêmes droits de vote qu’aux hommes, ou les autorisaient à travailler dans l’administration publique. Néanmoins, les rédacteurs de la Charte des Nations Unies, prévoyants, firent délibérément mention de «l’égalité des droits entre les hommes et les femmes»,lorsqu’ils déclaraient la foi (des Nations Unies) en les droits de l’homme ainsi que la dignité et la valeur de la personne humaine. Aucun document légal international n’avait auparavant affirmé avec une telle vigueur l’égalité de tous les êtres humains, ou n’avait considéré la différence de sexe comme motif possible de discrimination. Il devint alors évident que les droits des femmes seraient au cœur des travaux futurs de l’Organisation.
Les cinq conférences mondiales sur les femmes organisées par les Nations Unies, en un quart de siècle, ont été le moyen de placer la question de l’égalité entre les sexes au cœur de l’agenda mondial. Elles ont permis de grouper la communauté internationale, autour d’un ensemble d’objectifs communs, assorti d’un plan d’action effectif pour la promotion générale des femmes dans toutes les sphères de la vie publique et privée.
Le sommet de Beijing
En 1995, du 4 au 15 septembre, des milliers d’hommes et de femmes se sont rassemblés à Beijing (Chine) pour la quatrième Conférence mondiale sur les femmes. Les participants ont examiné comment la vie des femmes a changé au cours de la dernière décennie et quelles nouvelles mesures prendre pour faire en sorte que les questions qui intéressent les femmes restent au premier plan des préoccupations de la communauté internationale.Cette Conférence a permis l'adoption, par tous les participants, d' un Programme d’action visant à créer des conditions qui permettront aux femmes de réaliser au maximum leur potentiel dès l’enfance, et de concrétiser tout ce qu’elles peuvent apporter à l’édification d’un monde meilleur pour tous.
Ce Programme d’action trace, entre autres, les lignes à suivre pour donner plus de pouvoir aux femmes. Il vise à accélérer l’application des stratégies prospectives de Nairobi pour la promotion de la femme (1985) et à éliminer tous les obstacles qui empêchent les femmes de jouer un rôle actif dans tous les domaines de la vie publique et privée en participant pleinement, et sur un pied d’égalité, à la prise de décisions dans les domaines économique, social, culturel et politique. Il repose, donc, sur le principe du partage des pouvoirs et des responsabilités entre hommes et femmes dans les foyers, sur les lieux de travail et, plus largement, au sein des communautés nationales et internationales.
Le Programme d’action est établi en pleine conformité avec les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et du droit international. Il est reconnu que l’élaboration et la mise en application de stratégies, politiques, programmes et initiatives dans tous les domaines visés relèvent de la responsabilité de chaque pays, agissant dans le strict respect des valeurs religieuses et éthiques, du patrimoine culturel et des convictions philosophiques de tous, et en concordance avec tous les droits universels de l’homme et des libertés fondamentales.
Le Programme d’action réaffirme le principe fondamental énoncé dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme en 1993, selon lequel les droits fondamentaux des femmes et des fillettes font inaliénablement, intégralement et indissociablement parties des droits universels de la personne.
L’égalité des femmes et des hommes relève des droits de l’homme et c’est une condition de justice sociale; c’est aussi un préalable essentiel au développement et à la paix. Pour relever les défis du XXIè siècle et parvenir à un développement durable au service de l'individu, il est indispensable de créer un nouveau partenariat, fondé sur l’égalité des femmes et des hommes.
La fin de la guerre froide a bouleversé le panorama international et atténué la rivalité entre les superpuissances. La menace de conflit armé à l’échelon planétaire a diminué, tandis que les relations internationales s’améliorent et que s’ouvrent de nouvelles perspectives de paix entre les nations. Malheureusement, les guerres d’agression, les conflits armés, les guerres civiles, le terrorisme et la violence extrémiste continuent à dévaster de nombreuses régions du monde. Et les femmes et les enfants en sont toujours les principales victimes : meurtres, tortures, viols et combien d'autres graves violations des droits fondamentaux de la femme.
Lors de la Conférence de Beijing, les gouvernements ont pris également pris des engagements pour s’assurer que la vie quotidienne des femmes soit plus explicitement visée par les processus de planification et de prise de décisions politiques. Les organisations non gouvernementales, pour leur part, ont adopté des méthodes de travail plus sophistiqués en faveur du renforcement des droits des femmes et de la parité dans le domaine de la prise de décisions à tous les niveaux.
L’Assemblée générale des Nations Unies a demandé à tous les Etats, au système des Nations Unies et aux autres organisations internationales, aux ONG et au secteur privé, de prendre des mesures pour appliquer les recommandations adoptées à Beijing. Les mécanismes qui ont été établis pour promouvoir le statut de la femme des politiques sur l’ensemble des institutions et programmes des Nations Unies ont été renforcés.
Au sein des Nations Unies, le Secrétaire général désigna un fonctionnaire de haut rang pour servir de conseiller spécial sur les questions sexospécifiques. L’organisation se vit également confier un rôle central, celui de superviser le programme.
L’Assemblée générale des Nations Unies s’est réunie, en session extraordinaire à New York du 5 au 9 juin 2000, pour examiner, 5 ans après, le Programme d’action de Beijing. Cette session extraordinaire a eu pour thème : Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIè siècle s’est concentrée sur des exemples de bonnes pratiques, d’actions positives, d’expériences acquises et de défis majeurs qui demeurent encore.
Il résulte que, certes, beaucoup de progrès ont été réalisés dans l’application des 12 domaines critiques identifiés dans le Programme d’action de Beijing. Néanmoins de nombreux obstacles restent encore à surmonter, notamment dans les domaines suivants :
1. Femmes et pauvreté :
Les inégalités des revenus, le chômage et la féminisation de la pauvreté, particulièrement les femmes rurales, contribuent à creuser l’écart entre les hommes et les femmes. Le lourd fardeau de la dette, les dépenses militaires et les faibles niveaux d’aide au développement sapent les efforts nationaux de développement.
2. Education et formation des femmes:
Les efforts en vue de mettre fin à l’illettrisme des femmes et améliorer l’accès des filles à tous les niveaux et à tous les types d’éducation ont été limités par : le manque de ressources, la persistance des préjugés et de la discrimination contre les femmes, et par les stéréotypes portant sur les activités des femmes qui persistent dans les écoles et les communautés.
3. Les femmes et la santé:
Les progrès ont été réduits faute d’une approche globale de la santé des femmes et des filles durant toute la durée de leur vie. La faiblesse des ressources humaines et financières, l’infrastructure et la fourniture de services demeurent inadéquates dans de nombreux pays en développement..
4. La violence à l’égard des femmes:
Une mauvaise compréhension des causes de la violence à l’égard des femmes et des données inadéquates sur les diverses formes de violence sapent les efforts accomplis. Les attitudes et les valeurs socioculturelles renforcent la position subordonnée des femmes dans la société.
5.Les femmes et les conflits armés:
L’absence de femmes à tous les niveaux de décisions relatives au maintien et à la construction de la paix , à la réconciliation et à la reconstruction après un conflit présente de sérieux obstacles. Les changements dans la natures des conflits, marqués par la prise de civils pour cible et l’intervention d’acteurs non gouvernementaux, ont eu des effets néfastes sur les femmes et les filles.
6. Les femmes et l’économie :
Les bénéfices de l’économie mondialisée croissante ont été mal répartis, ce qui a augmenté les disparités économiques, généré des environnements de travail peu sûr et la persistance de l’inégalité entre les sexes dans l’économie informelle et le secteur rural. Peu de pays ont pris des mesures légales pour favoriser l’accès des femmes à la propriété de la terre et des autres biens. L’échec à reconnaître que les femmes ont un rôle à la fois productif et reproductif fait peser de plus grandes responsabilités sur les femmes, ainsi q’une plus lourde charge de travail non rémunéré.
7. Les femmes, le pouvoir et le processus de prise de décision :
Un écart subsiste entre l’égalité de droit et de fait. Les rôles traditionnellement assignés aux femmes restreignent leurs choix dans l’éducation et leur carrière et les poussent à assumer des responsabilités domestiques.
8. Les mécanismes institutionnels pour la promotion de la femme :
Le manque de ressources humaines et financières reste le principal obstacle aux mécanismes nationaux, auquel s’ajoutent la mauvaise compréhension de l’égalité entre les sexes et de l’intégration des perspectives sexospécifiques, les stéréotypes dominants et les attitudes discriminatoires, les priorités conflictuelles des gouvernements et la liaison insuffisante avec la société civile.
9. Les femmes et les droits de la personne humaine:
Il existe encore des lois discriminatoires. En outre, le code pénal etle code de la famille ne sont pas encore complètement sensibilisés aux questions relatives aux sexes. De nombreux écarts entre les lois et les règlements perpétuent la discrimination et l’inégalité de droit et de fait.
10. Les femmes et les medias
Les femmes sont trop peu nombreuses à occuper des postes décisionnaires pour avoir une influence sur la politique des médias. Les images négatives de femmes, les représentations stéréotypées et la pornographie ont augmenté dans certains endroits et certains journalistes conservent des préjugés à l’encontre des femmes. Le secteur des technologies de l’information et de la communication est fondé sur des normes masculines.
11. Les femmes et l’environnement: La prise de conscience du public des questions environnementales et des bénéfices à retirer de l’égalité entre les sexes pour la promotion de l’environnement fait encore défaut. Les politiques et les programmes pour l’environnement ne tiennent pas toujours compte des questions de sexospécificité et ne rendent pas compte du rôle et des contributions des femmes à la durabilité de l’environnement.
12. Les filles:
Les attitudes traditionnelles discriminatoires à l’égard des femmes et des filles et une conscience inadéquate de la situation des filles, notamment du fait que les responsabilités domestiques les empêchent souvent de poursuivre leur éducation, contribuent à diminuer les opportunités qu’ont les filles de devenir autosuffisantes et indépendantes.
La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes
La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée en 1979 par l’Assemblée générale des Nations Unies est souvent présentée comme une déclaration internationale des droits des femmes. En un préambule et 30 articles, elle donne une définition de la discrimination à l’égard des femmes et établit un programme national d’action visant à mettre un terme à cette discrimination.
Selon la Convention, on entend par discrimination à l’égard des femmes « … toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine.
En reconnaissant la Convention, les Etats s’engagent à rendre une série de mesures pour mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Ces mesures consistent notamment à :
Inscrire dans leur système juridique le principe de l’égalité des hommes et les femmes, abroger toutes les lois discriminatoires et adopter des lois interdisant toute discrimination à l’égard des femmes ;
Etablir des tribunaux et d’autres institutions publiques pour garantir la protection effective des femmes contre la discrimination :
Assurer l’élimination de tous les actes de discrimination à l’égard des femmes commis par des personnes, des organisations ou des entreprises.
Les cinq conférences mondiales sur les femmes organisées par les Nations Unies, en un quart de siècle, ont été le moyen de placer la question de l’égalité entre les sexes au cœur de l’agenda mondial. Elles ont permis de grouper la communauté internationale, autour d’un ensemble d’objectifs communs, assorti d’un plan d’action effectif pour la promotion générale des femmes dans toutes les sphères de la vie publique et privée.
Le sommet de Beijing
En 1995, du 4 au 15 septembre, des milliers d’hommes et de femmes se sont rassemblés à Beijing (Chine) pour la quatrième Conférence mondiale sur les femmes. Les participants ont examiné comment la vie des femmes a changé au cours de la dernière décennie et quelles nouvelles mesures prendre pour faire en sorte que les questions qui intéressent les femmes restent au premier plan des préoccupations de la communauté internationale.Cette Conférence a permis l'adoption, par tous les participants, d' un Programme d’action visant à créer des conditions qui permettront aux femmes de réaliser au maximum leur potentiel dès l’enfance, et de concrétiser tout ce qu’elles peuvent apporter à l’édification d’un monde meilleur pour tous.
Ce Programme d’action trace, entre autres, les lignes à suivre pour donner plus de pouvoir aux femmes. Il vise à accélérer l’application des stratégies prospectives de Nairobi pour la promotion de la femme (1985) et à éliminer tous les obstacles qui empêchent les femmes de jouer un rôle actif dans tous les domaines de la vie publique et privée en participant pleinement, et sur un pied d’égalité, à la prise de décisions dans les domaines économique, social, culturel et politique. Il repose, donc, sur le principe du partage des pouvoirs et des responsabilités entre hommes et femmes dans les foyers, sur les lieux de travail et, plus largement, au sein des communautés nationales et internationales.
Le Programme d’action est établi en pleine conformité avec les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et du droit international. Il est reconnu que l’élaboration et la mise en application de stratégies, politiques, programmes et initiatives dans tous les domaines visés relèvent de la responsabilité de chaque pays, agissant dans le strict respect des valeurs religieuses et éthiques, du patrimoine culturel et des convictions philosophiques de tous, et en concordance avec tous les droits universels de l’homme et des libertés fondamentales.
Le Programme d’action réaffirme le principe fondamental énoncé dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme en 1993, selon lequel les droits fondamentaux des femmes et des fillettes font inaliénablement, intégralement et indissociablement parties des droits universels de la personne.
L’égalité des femmes et des hommes relève des droits de l’homme et c’est une condition de justice sociale; c’est aussi un préalable essentiel au développement et à la paix. Pour relever les défis du XXIè siècle et parvenir à un développement durable au service de l'individu, il est indispensable de créer un nouveau partenariat, fondé sur l’égalité des femmes et des hommes.
La fin de la guerre froide a bouleversé le panorama international et atténué la rivalité entre les superpuissances. La menace de conflit armé à l’échelon planétaire a diminué, tandis que les relations internationales s’améliorent et que s’ouvrent de nouvelles perspectives de paix entre les nations. Malheureusement, les guerres d’agression, les conflits armés, les guerres civiles, le terrorisme et la violence extrémiste continuent à dévaster de nombreuses régions du monde. Et les femmes et les enfants en sont toujours les principales victimes : meurtres, tortures, viols et combien d'autres graves violations des droits fondamentaux de la femme.
Lors de la Conférence de Beijing, les gouvernements ont pris également pris des engagements pour s’assurer que la vie quotidienne des femmes soit plus explicitement visée par les processus de planification et de prise de décisions politiques. Les organisations non gouvernementales, pour leur part, ont adopté des méthodes de travail plus sophistiqués en faveur du renforcement des droits des femmes et de la parité dans le domaine de la prise de décisions à tous les niveaux.
L’Assemblée générale des Nations Unies a demandé à tous les Etats, au système des Nations Unies et aux autres organisations internationales, aux ONG et au secteur privé, de prendre des mesures pour appliquer les recommandations adoptées à Beijing. Les mécanismes qui ont été établis pour promouvoir le statut de la femme des politiques sur l’ensemble des institutions et programmes des Nations Unies ont été renforcés.
Au sein des Nations Unies, le Secrétaire général désigna un fonctionnaire de haut rang pour servir de conseiller spécial sur les questions sexospécifiques. L’organisation se vit également confier un rôle central, celui de superviser le programme.
L’Assemblée générale des Nations Unies s’est réunie, en session extraordinaire à New York du 5 au 9 juin 2000, pour examiner, 5 ans après, le Programme d’action de Beijing. Cette session extraordinaire a eu pour thème : Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIè siècle s’est concentrée sur des exemples de bonnes pratiques, d’actions positives, d’expériences acquises et de défis majeurs qui demeurent encore.
Il résulte que, certes, beaucoup de progrès ont été réalisés dans l’application des 12 domaines critiques identifiés dans le Programme d’action de Beijing. Néanmoins de nombreux obstacles restent encore à surmonter, notamment dans les domaines suivants :
1. Femmes et pauvreté :
Les inégalités des revenus, le chômage et la féminisation de la pauvreté, particulièrement les femmes rurales, contribuent à creuser l’écart entre les hommes et les femmes. Le lourd fardeau de la dette, les dépenses militaires et les faibles niveaux d’aide au développement sapent les efforts nationaux de développement.
2. Education et formation des femmes:
Les efforts en vue de mettre fin à l’illettrisme des femmes et améliorer l’accès des filles à tous les niveaux et à tous les types d’éducation ont été limités par : le manque de ressources, la persistance des préjugés et de la discrimination contre les femmes, et par les stéréotypes portant sur les activités des femmes qui persistent dans les écoles et les communautés.
3. Les femmes et la santé:
Les progrès ont été réduits faute d’une approche globale de la santé des femmes et des filles durant toute la durée de leur vie. La faiblesse des ressources humaines et financières, l’infrastructure et la fourniture de services demeurent inadéquates dans de nombreux pays en développement..
4. La violence à l’égard des femmes:
Une mauvaise compréhension des causes de la violence à l’égard des femmes et des données inadéquates sur les diverses formes de violence sapent les efforts accomplis. Les attitudes et les valeurs socioculturelles renforcent la position subordonnée des femmes dans la société.
5.Les femmes et les conflits armés:
L’absence de femmes à tous les niveaux de décisions relatives au maintien et à la construction de la paix , à la réconciliation et à la reconstruction après un conflit présente de sérieux obstacles. Les changements dans la natures des conflits, marqués par la prise de civils pour cible et l’intervention d’acteurs non gouvernementaux, ont eu des effets néfastes sur les femmes et les filles.
6. Les femmes et l’économie :
Les bénéfices de l’économie mondialisée croissante ont été mal répartis, ce qui a augmenté les disparités économiques, généré des environnements de travail peu sûr et la persistance de l’inégalité entre les sexes dans l’économie informelle et le secteur rural. Peu de pays ont pris des mesures légales pour favoriser l’accès des femmes à la propriété de la terre et des autres biens. L’échec à reconnaître que les femmes ont un rôle à la fois productif et reproductif fait peser de plus grandes responsabilités sur les femmes, ainsi q’une plus lourde charge de travail non rémunéré.
7. Les femmes, le pouvoir et le processus de prise de décision :
Un écart subsiste entre l’égalité de droit et de fait. Les rôles traditionnellement assignés aux femmes restreignent leurs choix dans l’éducation et leur carrière et les poussent à assumer des responsabilités domestiques.
8. Les mécanismes institutionnels pour la promotion de la femme :
Le manque de ressources humaines et financières reste le principal obstacle aux mécanismes nationaux, auquel s’ajoutent la mauvaise compréhension de l’égalité entre les sexes et de l’intégration des perspectives sexospécifiques, les stéréotypes dominants et les attitudes discriminatoires, les priorités conflictuelles des gouvernements et la liaison insuffisante avec la société civile.
9. Les femmes et les droits de la personne humaine:
Il existe encore des lois discriminatoires. En outre, le code pénal etle code de la famille ne sont pas encore complètement sensibilisés aux questions relatives aux sexes. De nombreux écarts entre les lois et les règlements perpétuent la discrimination et l’inégalité de droit et de fait.
10. Les femmes et les medias
Les femmes sont trop peu nombreuses à occuper des postes décisionnaires pour avoir une influence sur la politique des médias. Les images négatives de femmes, les représentations stéréotypées et la pornographie ont augmenté dans certains endroits et certains journalistes conservent des préjugés à l’encontre des femmes. Le secteur des technologies de l’information et de la communication est fondé sur des normes masculines.
11. Les femmes et l’environnement: La prise de conscience du public des questions environnementales et des bénéfices à retirer de l’égalité entre les sexes pour la promotion de l’environnement fait encore défaut. Les politiques et les programmes pour l’environnement ne tiennent pas toujours compte des questions de sexospécificité et ne rendent pas compte du rôle et des contributions des femmes à la durabilité de l’environnement.
12. Les filles:
Les attitudes traditionnelles discriminatoires à l’égard des femmes et des filles et une conscience inadéquate de la situation des filles, notamment du fait que les responsabilités domestiques les empêchent souvent de poursuivre leur éducation, contribuent à diminuer les opportunités qu’ont les filles de devenir autosuffisantes et indépendantes.
La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes
La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée en 1979 par l’Assemblée générale des Nations Unies est souvent présentée comme une déclaration internationale des droits des femmes. En un préambule et 30 articles, elle donne une définition de la discrimination à l’égard des femmes et établit un programme national d’action visant à mettre un terme à cette discrimination.
Selon la Convention, on entend par discrimination à l’égard des femmes « … toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine.
En reconnaissant la Convention, les Etats s’engagent à rendre une série de mesures pour mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Ces mesures consistent notamment à :
Inscrire dans leur système juridique le principe de l’égalité des hommes et les femmes, abroger toutes les lois discriminatoires et adopter des lois interdisant toute discrimination à l’égard des femmes ;
Etablir des tribunaux et d’autres institutions publiques pour garantir la protection effective des femmes contre la discrimination :
Assurer l’élimination de tous les actes de discrimination à l’égard des femmes commis par des personnes, des organisations ou des entreprises.
Le plus vieux métier du monde


Prostituées et prostitution à travers les âges
L’expression « le plus vieux métier du monde » a peut-être un fondement historique. Depuis l’Antiquité, prostituée et prostitution sont une réalité sociale. Tour à tour tolérée ou réprimée, reconnue ou méprisée, cette activité a traversé les âges en s’exerçant sous diverses formes. Alors que le Parlement français vient de légiférer sur le sujet, Cliosoft vous propose de découvrir l’univers des « filles » et des maisons closes, depuis l’Athènes de Solon jusqu’au claque parisien des années folles, en passant par la chaleureuse maison Tellier de Maupassant et la prostituée sacrée de l’Inde.
Législation
La sexualité est-elle affaire privée quand elle concerne celles que l’on appelle parfois, de façon méprisante, des filles publiques ? De l’Antiquité à l’époque contemporaine, les hommes ont légiféré sur la prostitution, soit pour tolérer, soit pour réprimer, presque de façon cyclique. Le commerce de la chair étant aussi affaire de morale, l’Eglise a également pris position sur la question de la prostitution.
L’on attribue à Solon, l’un des pères de la démocratie athénienne, la première intervention législative dans le domaine de la prostitution. Lui serait ainsi due la création de bordels municipaux. Cette création correspond à une volonté de satisfaire les appétits sexuels de citoyens égarés sur des voies mauvaises si l’on se fie à la lettre des textes. Quels dangers menacent la cité ? Des agressions contre des jeunes filles honnêtes ou des flambées d’homosexualité ? Le législateur ne le dit pas. Quoi qu’il en soit, la création de ces maisons closes correspondrait à une œuvre de salubrité publique en des temps et des lieux où la morale ne réprouve pas les relations prénuptiales et la satisfaction des appétits charnels. Vis-à-vis de leurs pensionnaires ou des prostituées de rues, la loi en vigueur à Athènes, puis plus tard à Rome est plus discrète. Se fait jour une volonté de ne pas mélanger les genres, et ainsi de proscrire à celles qui font commerce de leurs charmes le port de vêtements réservés aux ménagères « honnêtes ». En ce qui concerne les jeunes gens, le législateur romain tente vers 226 d’interdire la prostitution des citoyens. Qui plus est, la société érige un rempart contre une ascension sociale de la prostituée. Il lui est en effet théoriquement interdit de convoler en justes noces avec un citoyen. Esclaves le plus souvent, les prostituées ne doivent pas changer de statut.
Les temps chrétiens apportent un regard nouveau sur le corps et la sexualité. La chasteté prend un sens, car le Christ enseigne que la chair est appelée à ressusciter de même que l’âme. C’est pourquoi, il ne faut pas laisser corrompre ce corps. L’Evangile donne une place particulière à la prostituée à travers la figure de Marie-Madeleine. L’exemple de cette sainte femme ouvre la voie de la repentance aux filles publiques, à qui l’Eglise ne trouve d’abord rien d’autre à dire que « va et ne pêche plus ». Saint Augustin, grand débauché avant sa conversion, et Père de l’Eglise, affirme quant à lui que les prostituées et la prostitution sont de moindres maux comparées aux désordres qu’engendrerait leur suppression. Sur le plan législatif, c’est un regard empreint de cette esprit de tolérance et de charité que porte l’empereur Justinien sur les prostituées dans le code qu’il fait publier vers 540. Sont sévèrement punis tous ceux qui tirent un profit quelconque de la prostitution : la mère maquerelle, personnage depuis longtemps présent dans la littérature romaine est passible de lourdes sanctions. En revanche, les filles sont épargnées par la loi. Justinien leur permet même de quitter plus facilement leur condition en abrogeant une loi qui empêchait les hommes libres de les prendre pour épouse. Parmi les motifs de cette bienveillance légale, il faut considérer que Théodora, la femme de Justinien, a été prostituée. C’est pour cela que l’on pourrait aussi parler de code Théodora, car l’impératrice est à la source des mesures bienveillantes aux filles de joie et dures aux proxénètes. A elle également est due l’ouverture d’une maison chargée d’accueillir les filles repenties.
Le code Justinien n’est pas appliqué dans les terres d’Occident gouvernées par des rois barbares qui édictent leur propres lois, dans lesquelles se mêlent les éléments coutumiers germaniques et le droit écrit de Rome. Dans les mentalités germaniques, L’acte de chair s’accompagne d’un mélange des sangs. C’est pourquoi l’adultère féminin est très sévèrement puni. Les femmes ne peuvent appartenir à tout le monde car la société est structurée très étroitement autour de parentèles, celle dans laquelle on naît, et quand on naît femme celle dans laquelle on est accueillie après son mariage. Les prostituées encourent donc de lourdes sanctions. Le bréviaire promulgué par le roi wisigoth Alaric les rend passibles d’une peine de 300 coups de fouet. Toutefois l’on ne sait pas grand-chose sur la prostitution au cours du Haut Moyen Age. La pratique germanique autorisant à avoir femme légitime, épouse de second rang et concubine laisse entrevoir l’existence de courtisanes, dont certaines arrivent jusque dans les coulisses du pouvoir. Le cas de Frédégonde est connu. Par ailleurs, le trafic de chair humaine a toujours cours : la reine Radegonde n’est autre qu’une ancienne esclave achetée par un maire du Palais. Avec une volonté moralisatrice, Charlemagne reprend dans un capitulaire des dispositions tout aussi sévères que celles d’Alaric : proxénètes et filles sont passibles du fouet. Qui plus est, les filles sont tondues, une pratique qui a un bel avenir devant elle. La coupe des cheveux est tout autant une mise au ban qu’une sorte de castration : la femme est privée de l’un des attributs qui fait son charme. Qui plus est, les récidivistes sont vendues comme esclaves. Il convient de souligner que les mesures ne sont guère appliquées et que quand bien même elles l’eurent été, elles n’auraient frappé que peu de femmes. La prostitution telle qu’elle a été connue dans les maisons closes et dans les rues d’Athènes ou de Rome est probablement en décadence aux temps carolingiens. Elle est en effet un phénomène urbain, alors que les villes se dépeuplent entre les Ve et Xe siècles.
A la sévérité de la loi civile répond la bienveillance de l’Eglise. L’esprit de charité se retrouve dans le pénitentiaire publié aux alentours de l’an 1000 par l’évêque Burchard de Worms. Les sanctions sont lourdes pour les incestueux et les adultères. Les uns et les autres remettent en effet en cause l’ordre social et les fondements du mariage. Par contre, l’évêque se montre plus clément avec les jeunes célibataires qui empruntent des chemins extérieurs à ceux de la chasteté en compagnie de jeunes filles libres de tout engagement. Il est ainsi possible d’avancer que si l’Eglise ne va pas jusqu’à encourager la prostitution, le statu quo de tolérance est préservé, selon les prescriptions de Saint Augustin.
Saint Louis tente deux siècles et demi plus tard de prohiber la prostitution, qui tend à se développer en milieu urbain. L’édit qu’il fait promulguer en 1254 se veut l’arme propre à purger Paris du vice et de la luxure : en vertu de ce texte, aucune forme de prostitution n’est plus tolérée. En pratique, les volontés du monarques sont inapplicables car la pureté des sujets n’est pas à la hauteur de celle de leur souverain. Deux ans plus tard, le pieux roi est contraint de faire machine arrière et de rétablir un statu quo sur la base de la tolérance, tandis que le commerce des charmes féminins va en s’institutionnalisant. Craignant, comme au temps de Solon, de Périclès ou de César, que l’âge tardif du mariage soit la source de nombreux désordres, les bonnes villes poussent à la création de bordels municipaux, qui viennent compléter l’offre des établissements privés. Cette évolution se fait en parallèle d’un changement dans la perception du corps humain. A partir du XIIe siècle, les autorités ecclésiastiques admettent que le corps n’est pas que funeste à l’épanouissement de l’homme. De manière induite, cette reconnaissance conduit à l’acceptation du plaisir charnel. Les manuels de confesseurs sont pleins d’indulgence pour les jeunes gens qui ont eu recours aux services d’une prostituée. Le regard sur la prostituée est également en train d’évoluer. Des décrétales pontificales appellent à la charité en ce qui les concerne tandis que se développe le culte de Marie-Madeleine. Dans le même esprit, elles deviennent à partir du XIVe siècle pleinement sujet du roi de France. Auparavant, sans être considérées comme des criminelles, elles vivaient en dehors de la loi, qui ne pouvait donc leur assurer sa protection. Que ce soit en France ou en Europe, les interventions du législateur portent désormais moins sur l’exercice de la prostitution que sur la manière et les lieux de cet exercice. Ainsi, les filles qui peuplent les bordels municipaux doivent prêter serment de ne pas accorder leurs faveurs à des hommes mariés. Les tenanciers de ces établissements ont eux aussi des obligations : ils ne doivent pas employer d’enfants. Par ailleurs, le pouvoir s’efforce de limiter l’implantation des maisons ou de les cantonner dans des quartiers déterminés de même que l’on interdit aux filles publiques le port de certains vêtements ou l’usage de certaines coiffures. Il faut avant tout qu’elles soient aisément reconnaissables : elles sont frappées d’une sorte de marquage moral.
Les temps modernes s’ouvrent sur la vague moralisatrice qui accompagne les réformes religieuses. Catholiques comme protestants combattent aussi sur le plan de la morale privée et dans chaque camp certains ne manquent pas de fustiger l’inconduite de ses coreligionnaires ou de ses adversaires. C’est pour ces raisons que les prostituées perdent la considération sociale et légale qui leur a été accordée dans les derniers siècles du Moyen Age. Rejetées hors la loi, elles sont également mises au ban de la chrétienté par le pape Pie V, qui leur ôte le droit à une sépulture chrétienne. Le XVIIe siècle français est quant à lui marqué par une tentative d’exclusion du corps social. Cette politique, dite du « grand renfermement » vise tous les indésirables : mendiants et vagabonds, ribauds et filles de joie sont expédiés dans les différentes maisons qui composent l’Hôpital général. Les filles sont ainsi envoyées à la Salpetrière après avoir été marquées au fer rouge d’une fleur de lys sur l’épaule, de même que l’on fait avec les voleurs. Une telle pratique ne peut que faire penser au marquage du bétail. Une autre forme d’exclusion qui frappe les prostituées est la déportation. Dans les années 1670-1685 nombre d’entre elles sont envoyées dans les nouveaux mondes français, c’est-à-dire au Canada et en Louisiane, qui souffrent d’un sous-peuplement chronique par rapport aux treize colonies britanniques. Il est singulier de constater que la métropole envoie de telles génitrices aux hommes qui se sont installés sur cette terre lointaine. Les gouverneurs de ces provinces ne manquent d’ailleurs pas de s’en indigner auprès de Versailles. Les rafles ne sont toutefois qu’à moitié efficaces. La prostituée ne disparaît pas de Paris, ni de l’arrière des régiments, ni même des couloirs de Versailles. Les unes sont pensionnaires, demi-pensionnaires ou externes dans des maisons où s’organisent des parties galantes, les autres exercent leurs talents dans le quartier du Palais Royal, pour les plus belles et les plus jeunes, dans des auberges, voire sur les terrains vagues des faubourgs pour les autres. Le grand renfermement n’a pas pour autant tué un regard de charité sur la fille de joie. A Paris, le lieutenant de Police La Reynie fait preuve d’une bien plus grande humanité que les textes royaux. Cette bienveillance est charité de la part des membres des œuvres pieuses qui tentent de faire sortir de cet état les filles qui veulent le quitter. Sans apporter de modification sur le plan législatif, le XVIIIe siècle permet à la prostituée d’être mieux tolérée que du temps du roi soleil. Le contexte est différent, les mœurs sont ouvertement plus relâchées. Toutefois, les filles demeurent toujours des hors-la-loi, susceptibles d’être arrêtées à tout moment. Une modification de leur statut intervient lors de la Révolution française : dans un premier temps un élan vertueux et puritain vient les frapper. Par la suite le Directoire élabore une législation qui va rester en vigueur jusqu’en 1946 : celle de la maison close.
M. Benoist
Les prostitués de l’Antiquité
Le statut des prostitués
Attestée par l’historien grec Hérodote au Ve siècle av JC, la prostitution sacrée était, à l’origine, liée aux cultes de la fécondité : prêtresses et prêtres devaient s’accoupler pour provoquer la fertilité des terres. Mais, très vite, la pratique évolue. Les offrandes aux dieux sont remplacées par le paiement des personnes et, aux alentours des sanctuaires, se développe une prostitution profane.
Cette forme de prostitution, loin de l’argument sacré, est liée à l’esclavage. Les enfants abandonnés par leurs parents à la naissance ou enlevés par des pirates qui les revendaient sur les marchés des villes méditerranéennes constituent la marchandise habituelle des proxénètes. A leur côté, des femmes pauvres, des filles délaissées, des veuves, grossissent les rangs de ce commerce réglementé. Les prostitués ont le statut d’objets possédés par un maître qui, selon les règles générales de l’esclavage, avait un droit absolu de disposer de leur corps.
La loi de Solon
La prostitution, sous sa forme vénale, apparaît au VIe siècle avant JC en Grèce. La commercialisation des corps se développe à un point tel, que Solon (640-558 av. J.-C) décide l’ouverture des premières maisons closes.
Ces maisons d'État, les dictérions, sont organisées rationnellement. Dans chacune d'elles, une équipe d'employés surveille la bonne marche de la maison. Les bénéfices vont à l'État : les établissements sont tenus d'acquitter une taxe, le pornikotelos.
Plusieurs “ classes ” de prostituées, toutes plus ou moins frappées d'infamie, répondent au découpage hiérarchique de la société. Au bas de l'échelle, on trouve les dictériades qui, outre le port de vêtements distinctifs, se voient imposer l'interdiction de sortir avant le coucher du soleil et de quitter la ville sans autorisation. Viennent ensuite les aulétrides et, au sommet de l'échelle, les hétaïres, véritables courtisanes, fréquentées par les privilégiés et les gens au pouvoir. Parmi les hétaïres célèbres, citons Phryné, Laïs de Corinthe, ou encore Aspasie - devenue plus tard la femme de l'illustre Périclès …
Toutes ces mesures sont justifiées par la nécessité d'éviter les désordres et de protéger la vertu des “ femmes honnêtes ”. De plus, le système s'avère particulièrement profitable aux finances de l'État. Il est maintes fois repris... Tout comme l'idée d'une prostitution nécessaire au maintien de l'ordre dans la Cité.
Il existe aussi des bordels masculins, non pas pour le délassement des femmes, mais pour celui des hommes. Les relations homosexuelles n’encourent aucun interdit, mais le fait de tenir le rôle de la femme était condamné.
La meretrix de Rome
Alors que les Grecs avaient trouvé pour désigner leurs prostituées le terme élégant d’hétaïres, signifiant “ compagnes ”, les Romains donnent aux leurs le nom trivial de meretrix, “ celle qui tire de l’argent de son corps ”. Le principal grief qu’ils ont contre les courtisanes et les proxénètes est leur avidité insatiable, leur cupidité envers la fortune des citoyens. La meretrix est le personnage principal des comédies de Plaute et de Terence représentées au IIe siècle av JC.
La plupart de ces femmes sont la propriété d’un leno, à la fois maître d’esclaves et proxénète. Mais il y a aussi parmi les meretrices des affranchies et même des femmes libres. A Rome, l’exemple le plus fameux de grande dame accusée de se prostituer serait Messaline, l’épouse de l’empereur Claude, morte en 48. Le satiriste Juvénal en donne une description sordide d’une extraordinaire violence, l’appelant la Pute impériale : “ Dès qu’elle sentait son mari endormi, préférant sans vergogne une couchette à son lit d’apparat, la Pute Impériale s’encapuchonnait et s’évanouissait dans la nuit, sans autre compagnie qu’une servante. Camouflant ses cheveux noirs sous une perruque blonde, elle gagnait un bordel moite aux rideaux rapiécés où un box lui était affecté, elle s’y exhibait nue, les seins pris dans une résille d’or, sous son pseudonyme affiché, “ Lycisca ”, et proposait la matrice qui t’a porté, noble Britannicus ! ”. La prostitution pouvait alors incarner les séductions de l’amour libre et la tentation d’une grande liberté sexuelle. Mais la réalité était plus sordide …
Les lieux de la débauche
A Rome, la hiérarchie des prostituées s’inscrit dans la topographie urbaine. Deux quartiers, parmi les plus misérables, sont le théâtre des activités de la prostituée : Subure au nord du Forum et la région du Grand-Cirque au sud de ce même forum.
Dans les ruelles étroites et malodorantes, sous les voûtes de bâtiments publics, dans d’étroites loges ouvertes sur la rue, chacun peut voir les prostituées. Ces loges ont été révélées dans les fouilles de Pompéi : elles comportent un lit maçonné dans le fond, qu’un simple rideau suffit à fermer lorsque le client est là. Les irrégulières vieillies cherchent refuge dans les rues obscures du Trastévère, le refuge traditionnel des hors-la-loi, le long de la via scraba ou de la via Appia.
Le terme de lupanar se rapporte, quant à lui, à la louve (lupa), que les Anciens assimilaient à l’obscénité, à la mauvaise odeur et à la rapacité. Que cette étymologie soit fantaisiste ou pas, la prostituée resta pour les Romains la “ louve ” guettant sa proie dans son antre, le “ lupanar ”.
V. Gimar
La prostitution cultuelle en Inde
Les dévadâsis, quelques dates
Les prostituées sacrées sont attestées massivement en Inde à partir du VIème siècle après J.-C. Elles font partie du personnel liturgique responsable du culte et s’appellent les dévadâsis, c’est-à-dire “ servantes ” (dâsi) du dieu (déva). Le choix du terme indique qu’elles appartiennent à la divinité, car le mot dâsi signifie également esclave.
A certaines époques, le nombre de dévadâsis semble avoir été considérable. Le temple de Somanatha hébergeait 350 dévadâsis au moment de sa destruction par le conquérant turco-mongol Mahmûd de Ghazni, en l'an 1026. Le voyageur chinois Chao-Ju-Kua rapporte, en 1226, que le Gujarat comportait 4000 temples avec 20 000 dévadâsis. Leur existence est également rapportée par le récit de Marco Polo.
Lorsque les Anglais eurent achevé la conquête de l’Inde, une de leurs premières mesures fut d’interdire l’exercice de la prostitution sacrée, au moins dans les provinces qu’ils administraient directement. La première loi anti-prostitution sacrée est passée à Madras en 1947.
Le rôle des dévadâsis
La fonction des dévadâsis consiste à servir le maître invisible comme le font, à la cour des princes, les courtisanes : elles dansent, chantent, font de la musique et, à l’occasion, assouvissent les désirs de leur seigneur. Car la tradition en Inde veut que l’on attende des artistes des services sexuels. Il convient en effet que le spectateur connaisse une jouissance parfaite, c’est-à-dire concernant tous les sens : la vue grâce à la danse, l’ouïe grâce au chant et à la musique, le désir charnel enfin grâce aux talents érotiques de la dâsî.
Dans la pratique, les dévadâsis étaient avant tout des artistes chargées de danser et de chanter devant l’image du dieu lors des fêtes votives ou lorsque des fidèles commanditaient des cérémonies particulières pour des motifs privés. Leurs revenus étaient déposés sur l’autel avant de tomber dans les caisses du trésor du temple.
Les relations sexuelles auxquelles elles se prêtaient étaient également considérées comme un rite sacré de fécondité, qui devait servir à augmenter la fécondité des gens, des animaux et de la terre.
La caste des dévadâsis
Les dévadâsis forment une caste très particulière. Normalement, les castes en Inde constituent une fédération de familles de type patriarcal. Or les dévadâsis ne peuvent avoir de mari puisqu’elles sont vouées dès l’enfance au service du dieu. C’est ce dernier qui est leur véritable époux, mais un époux invisible qui, par la force des choses, fait de la courtisane à la fois un être “ sacré ” et une “ femme sans homme ”. Les dévadâsis étaient donc la seule caste à être fondée sur le matriarcat le plus strict. Les filles (toutes de père inconnu) étaient élevées pour devenir des courtisanes semblables à leurs mères : apprentissage de la musique, de la danse, du chant et des pratiques érotiques. Les garçons, pour leur part, étaient voués à des tâches subalternes : travaux de force, entretien du jardin, cuisine.
V. Gimaray
La prostitution sacrée
L’enquête d’Hérodote
Au Ve siècle avant J.-C, Hérodote rapporte une étrange coutume faisant état d’activités sexuelles, vénales ou non, pratiquées dans le cadre d’un culte et d’un sanctuaire. Il écrit :
“ La plus honteuse des lois de Babylone est celle qui oblige toutes les femmes du pays à se rendre une fois dans leur vie au temple d'Aphrodite pour s'y livrer à un inconnu. (...)
Les femmes sont assises dans l'enceinte sacrée d'Aphrodite, la tête ceinte d'une corde, toujours nombreuses, car si les unes se retirent, il en vient d'autres.
Quelle que soit la somme offerte, continue Hérodote, la femme ne refuse jamais: elle n'en a pas le droit et cet argent est sacré. Elle suit le premier qui lui jette de l'argent et ne peut repousser personne. Les plus belles sont donc vite libérées et peuvent retourner chez elles, mais il en est qui restent dans le temple pendant trois ou quatre ans, sans pouvoir satisfaire à cette obligation. ”
Dans l’ancienne Mésopotamie, les qadishtu étaient considérées comme les servantes d’Ishtar et se tenaient à la disposition de tous les adorateurs de la Déesse, moyennant rétribution.
A Corinthe, au temple d’Aphrodite Pandemos, les adeptes de la déesse venaient choisir une jeune femme instruite par les prêtres et les prêtresses. Le rite commençait par un bain, puis l’homme et la prostituée sacrée rendaient hommage à Aphrodite.
Hérodote nous signale des coutumes analogues en quelques endroits de l'île de Chypre.
Ces prostituées recevaient une excellente éducation, tout comme les prostituées sacrées d’Inde (les dévadâsis) ou les geishas du Japon. Savoir tenir compagnie était un art, poussé à l’extrême dans le plaisir sexuel. L’homme devait connaître une jouissance parfaite, concernant tous les sens : la vue grâce à la danse, l’ouïe grâce au chant et à la musique, le désir charnel enfin grâce aux talents érotiques.
Un rite sexuel
Quel sens faut-il donner à la prostitution sacrée? Pour certains, il s’agirait d'un acte de consécration de la virginité à la divinité. Mais peut-être faut-il y voir un acte de défloration rituelle, pratiqué dans la plupart des sociétés primitives où la virginité était considérée avec mépris. Rappelons également qu’en Lydie, à Carthage ou à Chypre, les jeunes filles avaient, en vertu de l'usage établi, le droit de se prostituer pour gagner leur dot. On rapporte de Chéops, roi d'Egypte, qu'il tira de la prostitution de sa fille l'argent nécessaire à la construction d'une pyramide.
On sait par les hymnes qui nous sont parvenus que le roi de Babylone, au Nouvel An, s'unissait avec la grande prêtresse d'Ishtar, déesse de l’Amour, par un hieros gamos (mariage sacré). Il s’agit de relations sexuelles sacrées, où la grande prêtresse représentait Ishtar, et le roi, agissant en tant que grand prêtre, Tammuz. C'était un rite de fécondité qui devait garantir le renouvellement des énergies dans la nature et dans l'Etat, à l'aube de la nouvelle année.
Selon une autre interprétation, Ishtar possédait une force magique garantissant l'ordre du monde, qu'elle transmettait au roi lors de l’accouplement sacré. Il s'agissait donc pour le roi de recueillir la force qui fonde sa royauté.
L’esclavage sexuel
L'hospitalité sexuelle était sacrée dans beaucoup de peuples de l'Antiquité : Egypte, Syrie, Phénicie, Chypre ; la coutume existait encore il n’y a pas si longtemps chez les Esquimaux.
Le Temple d'Alexandrie comportait 1 400 cellules de prostituées sacrées à l'usage des fidèles et des étrangers. Certaines familles en Mésopotamie donnaient leur fille en échange de leur nourriture et de leur éducation. En Phénicie, la loi stipulait que toutes les femmes étaient communes à tous les hommes et qu'il ne devait y avoir aucune distinction ni de pères, ni d'enfants. Cette idée de “ collectivisation de la femme ” est ancienne, mais tenace. Elle figure dans les programmes de nombreuses utopies.
Mais il se peut aussi que ces prostituées n’aient rien eu de sacré. Il se peut qu’Hérodote ait mal interprété la coutume du rachat d’oblates, c’est-à-dire d’esclaves offertes au temple par des particuliers.
De même, on a longtemps considéré comme des prostituées sacrées celles que l’on nomme “ hiérodules ”. Mais les hiérodules sont des esclaves sacrés, hommes ou femmes liés au temple, parfois même de simples paysans cultivant les terres des dieux.
Femmes et hommes prostitués sont d’abord des esclaves, achetés sur des marchés d’esclaves. Ce sont aussi des femmes pauvres, des filles délaissées par leur famille, des épouses abandonnées ou des veuves.
V. Gimaray
Les marques de l’exclusion
Le mal nécessaire
Depuis l’Antiquité, la prostituée assume un rôle paradoxal : elle est tolérée, tout en étant marginalisée ; elle est un mal nécessaire qui préserve la famille en autorisant les jeunes gens à satisfaire leurs ardeurs, plutôt que de s’attaquer aux femmes mariées.
Mais tout mal nécessaire qu’elle soit, la prostituée est pointée du doigt. Elle doit montrer ce qu’elle n’est pas, ni une femme respectable, ni une mère de famille. L’existence des prostituées dans la cité n’est voulue par le législateur que pour donner du plaisir aux hommes honnêtes, les soins de la maison et la procréation des enfants étant réservés aux concubines et aux épouses légitimes.
Un code vestimentaire
Pour ne pas la confondre avec la femme respectable, la société impose à la fille de joie un code vestimentaire. Dans la Rome antique, les prostituées ont l’interdiction de porter la longue robe des matrones, épouses légitimes des citoyens ; elles s’enveloppent d’une toge brune et portent une perruque blonde. En Mésopotamie, le port du voile, qui s’impose à la femme honnête, lui est interdit. Celle qui sortirait voilée et qui serait reconnue risque 50 coups de bâton et la confiscation de ses vêtements. En akkadien, la prostituée se nomme ainsi “ celle dont les cheveux ondulent ” (kezertu).
Sous le Second Empire, l’extravagance des robes de la cocotte a suscité tout un vocabulaire repris au théâtre ou en littérature. La cocotte devient “ crevette ” en robe courte et voyante, “ sangsue ” lorsqu’elle est en noir et “ balayeuse ” lorsque la robe est traînante sans crinoline.
Mais derrière la saveur de ces qualificatifs se cachent les marques de l’exclusion. Rappelons seulement que pendant toute la période classique, l’Etat condamnait les filles de “ mauvaise vie ” en imprimant dans leurs chairs, au fouet ou au fer rouge, les marques de l’infamie. Sous Charlemagne, toute femme publique prise en flagrant délit de racolage était condamnée à être fouettée nue au milieu de tous, et celui qui l'hébergeait devait la porter sur ses épaules jusqu'au lieu du châtiment.
Le corps du péché
Au XIXe siècle, la vague hygiéniste fait de la prostituée un objet de peur. La vérole monterait de la rue, transmise par la prostituée. Elle détruirait le capital biologique des lignées bourgeoises. La putain syphilitique, souvent alcoolique, parfois tuberculeuse, est perçue comme victime de dégénérescence.
La comparaison entre la prostitution et l’ordure court tout au long du siècle. “ La prostituée est indispensable à la cité comme la poubelle à la famille ”, glose le docteur Saint-Paul. Le terme pute ou putain est d’ailleurs dérivé du latin putidus “ puant ”, “ pourri ”, “ corrompu ”.
A la fin de la Restauration, le docteur Parent-Duchâtelet mène en parallèle une enquête sur les filles publiques de Paris et sur les ordures. Il s’intéresse à la physiologie de l’excrétion urbaine, dans le but d’assurer le transit de l’ordure et de vaincre l’infection.
Pour ne pas perdre la trace de ces impures qui pourraient gangrener la bonne société, une prostitution officiellement reconnue et contrôlée est mise en place dans la première moitié du siècle. L’autre prostitution est qualifiée de clandestine ou d’insoumise.
Les “ filles à numéro ”
Les Romains se montrèrent très vigilants sur le contrôle des mœurs. Marcus, devant le désordre grandissant, instaura en 180 av. J.-C. la licencia stupri (“ permis de stupre ”), qui fit de la prostituée une esclave légale. Frappée d'indignité jusqu'à sa mort, celle-ci était condamnée à vivre au “ lupanar ”, où elle était fichée et placée sous la surveillance du lenon, qui encaissait les passes et versait une taxe à l'État. Ce système de mise en carte s'accompagnait d'une stigmatisation accrue de la prostituée, chargée d'opprobre, marquée de signes infamants, ouvertement insultée, communément traitée de “ dévorante ” ou de louve, d'où le nom “ lupanar ” donné au maisons de passe. Ce qui n'empêcha en rien la prostitution de prendre de l'ampleur et de s'étendre à la gent masculine. Dans la Rome impériale, chaque ville avait son “ lupanar ”, souvent mixte.
Ce système de mise en carte réapparaît en France au XIXe siècle. Pour Parent-Duchâtelet, les prostituées sont des marginales qui doivent être soigneusement mises à l’écart de la bonne société. A cette fin, il préconise des établissements spécialisés facilitant la surveillance des prostituées, les maisons closes, soumises à l’autorité administrative.
En 1849, l'inscription des filles d'amour sur le registre de la police des Mœurs est désormais obligatoire. Le contrôle de la prostituée par l’administration débute par “ l’inscription ” de la fille publique, qui devient dès lors fille “ soumise ”. Les prostituées travaillant au sein d’une maison close sont dénommées “ filles à numéro ”, et celles qui exercent isolément “ filles en carte ”.
Si la prostituée est tolérée, elle reste soigneusement mise à l’écart tout au long de son histoire, que ce soit au travers de son code vestimentaire et de signes distinctifs ou par le biais de la “ mise en carte ”.
V. Gimaray
La figure de la prostituée dans les arts
La licence érotique
Les pas résonnant sur les pavés antiques de la via Appia, la meretrix romaine épie, l’écume aux lèvres. Elle est comparée, par ses contemporains, à la louve lubrique, la lupa qui, tapie dans l’ombre, guette ses proies avec avidité. Revêtue d’une courte tunique, arborant une perruque blonde montée en soufflet, elle déambule sur sa triste estrade de représentation, le long des cimetières mal famés.
Certaines échappent à l’errance et sont emmurées dans des loges offertes au regard cupide, assises sur des tabourets hauts qui laissent s’échapper leurs jambes et s’entrouvrir leur intimité.
D’autres sont confinées au lupanar, avec la possibilité limitée de monter à l’étage pour rejoindre les chambres, simples cellules avec lit et traversin de maçonnerie que viennent égayer des fresques éducatives enseignant “ l’Art d’Aimer ” d’Ovide.
Le “ cheval d’Hector ” - ou les plaisirs d’Andromaque à faire d’Hector sa monture, côtoie le “ more canino ” (la levrette) - ou l’art du Parthe rapide de galoper à rebours. De telles illustrations érotiques ornaient également les demeures privées. Mais aux plus riches était épargnée la peur de se faire débusquer sur le trajet de la honte. Ils pouvaient jouir, en toute tranquillité, des plaisirs de la chair et du regard …
La vérité des corps
Point de plaisir inavoué pour Henri de Toulouse-Lautrec. Le bordel est sa seconde maison, les “ horizontales ”, ses mères. Manet peint la Nana d’Emile Zola, une nouvelle rousse venant s’ajouter au cortège des belles chevelues à la crinière flamboyante. Les cheveux représentent l’essence même de la féminité. Lachés, ils soulignent l’attitude débridée de la femme ensorceleuse. Maintenus en chignon, ils contraignent la féminité et signent l’identité de la bonne épouse.
Croquer les prostituées – Divine, Pépé la Panthère, ou Olympia -, saisir la richesse de leurs poses, privilégier la vérité des corps aux poses alambiquées, tel est le défi des artistes du XIXeme siècle, pour qui la licence sexuelle s’apparente à la pratique d’une peinture libérée des contraintes académiques.
Est-ce pour cette raison que Picasso choisit le sujet du bordel pour ses Demoiselles d’Avignon, véritable cassure dans l’histoire de l’art, marquant les débuts du cubisme ? Y aurait-t-il dans le thème de la prostitution matière à briser les conventions formelles ? L’érotisme serait-il synonyme de modernité, ouvrant sur la réflexion de Georges Bataille : “ Ce qui est en jeu dans l’érotisme, c’est toujours une dissolution des formes constituées ”.
Le malaise de la grande ville
Pour les artistes de l’entre-deux-guerres, la prostituée n’est pas la femme émancipée, “ en cheveux ”, du Second Empire. Elle est le symbole du malaise de la société, du refoulement de l’individu, de la perversion de la sensualité. Elle traîne aux bars ; sa trogne est déformée par le vice ; son corps est massif, grossier. Ne sont identifiables que ses parties intimes, sans quoi la prostituée pourrait être un travesti égaré.
La figure de la prostituée est un motif récurrent dans l’œuvre de Georg Grösz. Elle est indissociable de sa vision sur la métropole aliénante et déshumanisante, réflexion partagée par de nombreux artistes du Berlin de l’entre-deux-guerres. Le film “ l’Ange Bleu ” de Josef von Sternberg met ainsi en scène la chanteuse Lola-Lola, jouée par Marlène Dietrich, une séductrice manipulatrice entraînant la folie du professeur Rath.
Le malaise est si fort que le thème du meurtre sadique, incarné par Jack l’Eventreur qui venge et purifie “ virilement ” la société souillée par les prostituées, plane dans toutes ces productions. Le film "Loulou" de Pabst montre une belle fille capricieuse et insouciante, multipliant les conquêtes et finissant par sombrer dans la prostitution à Londres, où elle est assassinée par l’Eventreur.
V. Gimaray.
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